Couple : la divergence des désirs

Couple : la divergence des désirs

Difficile à accepter, la divergence des désirs peut amener à des entorses plus ou moins graves au consentement mutuel en matière de sexualité. Cela est mortifère à terme pour le couple. Heureusement il y a des solutions dont les meilleures sont basées sur le respect et le dialogue !

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Sommaire

- Ligne rouge
- Zone grise
- Derrière la fable, survivance des archaïsmes
- "Devoir conjugal" encore présent
- Suis-je normale ?
- Partage des taches et routine
- L'impasse de l'infidélité
- Les petits arrangements
- Écoute et verbalisation
- Réorganisation des relations

Que faire, dans un couple, quand l'un a envie de faire l'amour et l'autre pas ? La divergence des désirs est devenue d'autant plus difficile à accepter aujourd'hui qu'elle vient contredire l'idée d'égalité entre hommes et femmes et l'aspiration au bien-être individuel.
Pourtant c'est un fait réel qui, s’il n’est pas pris en compte, peut générer angoisses, mensonges et crises. Jean-Claude Kaufmann, sociologue, a mené l'enquête depuis 2017, après l’affaire Weinstein et le mouvement #MeToo. Il s'est rendu compte que la question du consentement dans le couple hétérosexuel est encore largement tabou*.

Ligne rouge
Il existe dans l'espace conjugal des situations au-delà de la ligne rouge qui relèvent de la justice lorsque la violence voire le viol est caractérisé. Elles sont minoritaires mais elles ont cette particularité, cette complexité qui vient du fait que le cadre est celui de la relation amoureuse.

Le viol est le plus souvent commis par un proche : chez soi dans 42 % des cas, par le conjoint dans 31 % des cas, selon un sondage IFOP de 2018. "Et ce pourcentage est très largement sous-évalué : les viols en général sont rarement déclarés, mais ils le sont encore moins quand ils sont le fait du mari ou d’un ami."*

Zone grise
L'enquête dévoile qu'il existe, dans une majorité de cas, une "zone grise", où la sexualité est subie sans que le non-consentement soit clairement exprimé. Et il y a différentes nuances de gris, pour paraphraser le titre du roman d'E.L. James. Gris clair lorsqu'il ne s'agit que de se pousser un peu pour répondre au désir de l'autre. Gris foncé lorsque il y a un rapport forcé, par exemple pendant le sommeil de la partenaire. Gris terne quand la femme choisit la passivité : faire don de son corps, la tête ailleurs.
Des témoignages signalent "le cas de femmes qui restent plongées dans leur roman pendant que leur homme leur fait l’amour. Constat très réjouissant pour l’avenir du livre et de la lecture dans notre société"*, ironise Jean-Claude Kaufmann.

Derrière la fable, survivance des archaïsmes
Cette réalité est assez éloignée de l'image de la sexualité transmise par les médias : sexualité libérée, épanouissante, consentie, égalitaire entre femmes et hommes. Derrière cette "fable", la réalité traîne un long cortège d'archaïsmes.

Est encore vivace, par exemple, l'idée selon laquelle un homme aurait des "besoins". Or les besoins de l'être humain sont : manger, boire, uriner, dormir. Ne pas le faire crée rapidement des troubles. On peut même en mourir. Mais il n’existe aucune nécessité physiologique à l’évacuation du sperme. Si un homme ne fait pas l’amour pendant une certaine période voire toute sa vie, il ne se passe rien. Mais le stéréotype de virilité, autre archaïsme qui n'a pas encore disparu, ne fait place que lentement à une nouvelle culture masculine du contrôle de soi qui doit permettre de réprimer ce qui n’est qu’une simple frustration et non un besoin naturel. Par ailleurs, il existe encore chez beaucoup de femmes l'attirance pour le "mâle alpha" qui les piège et peut les transformer rapidement en victimes d’un partenaire violent ou pervers.
(Voir : Vers une masculinité tranquille)

"Devoir conjugal" encore présent
La notion de devoir conjugal est un autre archaïsme qui subsiste dans le couple moderne sous une forme un peu camouflée.
Selon Jean-Claude Kaufmann, l'égalité des désirs entre homme et femme serait un leurre : dans l'écrasante majorité des cas, l'homme aurait un niveau de désir constant et élevé alors que celui de la femme serait beaucoup plus irrégulier.
Résultat : comme le manque de désir ne veut pas dire manque d'amour, la femme se sent obligée moralement de contribuer au renforcement du couple. Elle décide donc de "se forcer" lors du rituel de confirmation qu'est devenu le rapport sexuel. D'autant que, selon l'injonction moderne (voir encadré), chacun se doit de jouir, "mais les femmes encore plus, d’une certaine manière, si elles veulent atteindre le modèle de la femme libérée et égale de l’homme"*.

Suis-je normale ?
Face à un déficit chronique de désir et de plaisir, la femme a vite fait de conclure que tout est de sa faute, qu’elle n’est pas "normale" voire qu'elle est "frigide", autre notion aujourd'hui dépassée.

Poids des habitudes, peur d’ouvrir un conflit, manque d'énergie pour exprimer un refus, souhait de ne pas déstabiliser son environnement, de ne pas perdre son confort psychologique et matériel… Une immense majorité de femmes en couple auraient eu des rapports sans en avoir envie. Et plus d’une femme sur deux déclarent avoir déjà simulé l’orgasme, cet engrenage infernal.

Partage des taches et routine
À la source de la divergence des désirs, souvent : le poids de la routine, le partage inégalitaire des taches ménagères et de la charge mentale corrélée.
"Les routines ne sont pas un mal en soi. Il ne servirait à rien de vouloir toutes les supprimer. En revanche, elles deviennent problématiques quand elles sont trop envahissantes, qu’elles saturent l’atmosphère conjugale..."*

L'impasse de l'infidélité
Parmi les solutions apportées par les uns et les autres au fil de l'enquête, Jean-Claude Kaufmann constate que le fait de faire chambre à part conduit vite à un éloignement des partenaires et augmente le risque de dislocation du couple. D'autres chemins comme l'infidélité ou l'échangisme débouchent sur le même résultat.
"Le plaisir perd quelque chose quand il est séparé des sentiments."*

Les petits arrangements
Plus de succès pour celles et ceux qui trouvent des "petits arrangements", par exemple en misant sur les caresses et la tendresse pour laisser la possibilité au désir d'émerger (ou pas). Ou encore qui se créent des espaces pour briser la routine, par exemple en faisant des voyages inattendus.

Et s'il faut se mettre face à la nécessité de la séparation, autant ne pas perdre trop de temps.
"Oui, ces moments sont douloureux, mais au final ça l’est bien moins que de faire durer inutilement une pseudo-relation de couple."*

Écoute et verbalisation
Nous entrons dans une époque où les hommes doivent faire l’apprentissage de l’écoute des signaux faibles : passivité de la partenaire (mélange de refus et d'indécision), bâillement, corps qui se dérobe au bord du lit, main qui repousse la main masculine…
Les femmes, elles, peuvent progresser dans la verbalisation de leur désir ou de leur manque de désir.

Réorganisation des relations
La sexualité occupe une place très variable dans les couples, selon Jean-Claude Kaufmann.
"Elle n’est pas le centre de la conjugalité. Elle en est un élément important, certes, mais qui se conjugue à toute une série d’autres facteurs essentiels concourant à la formation du petit monde intime."* Complicité, tendresse, soutien mutuel, passions partagées et divers éléments matériels peuvent s’avérer aussi décisifs.

"Un immense chantier a été ouvert qui n’est pas près de se refermer : celui de la réorganisation des relations amoureuses et de séduction entre les hommes et les femmes. Une réorganisation fondée sur le respect, l’écoute, l’égalité. Et où la notion de consentement est centrale."*

 

Source :
*Pas envie, ce soir, Le consentement dans le couple, Jean-Claude Kaufmann, éditions Les Liens qui Libèrent

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La "libération" des années 1970 : nouvelle injonction collective

Les années 1970 ont été marquées par la revendication des femmes pour l’appropriation de leur corps et l’affirmation de leur autonomie.

Les différentes étapes en ont été rapides :
- séparation de la sexualité et de la fécondité (pilule contraceptive) ;
- libération des mœurs et accès à une dimension érotique des couples ;
- revendication du plaisir féminin et de l'orgasme.

"En 1974, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a officiellement proclamé l’importance de la sexualité comme source de bien-être, et même de bonne santé. Un avis paré des meilleures intentions, mais qui ne pouvait que se transformer en injonction collective et en nouvelle norme sociale. Le plaisir partagé devenait en quelque sorte obligatoire, sous peine de payer le prix dont doivent s’acquitter tous ceux qui s’éloignent d’une morale dominante et du confort mental qu’elle procure (doute, incompréhension, culpabilité, angoisse). (…) Le principe émancipateur trouve ses limites quand, par un retournement insidieux, il se convertit en norme hégémonique produisant à son tour un système de contraintes, des injonctions, des souffrances."*

(Voir : Le diktat de l'orgasme et Hommes-femmes à l'aube du 21e siècle)

Vie Saine et Zen