Voilà plus de cinquante ans que la plupart des rivières et des nappes phréatiques françaises sont gravement polluées et que les décisions nécessaires des pouvoirs publics se font attendre… À notre niveau, que pouvons-nous faire ?
Sommaire
- Une responsabilité partagée
- Produits chimiques et métaux lourds
- Micropolluants d’origine médicamenteuse
- Épuration des eaux : de mauvais chiffres
- Une réglementation insuffisante et souvent contournée
- Pollueur mais pas payeur
- Ce qu'on peut faire à notre niveau
La question revient régulièrement à la une de l'actualité. La France a été plusieurs fois condamnée par la Cour européenne de justice pour la mauvaise qualité de ses eaux. Les ONG environnementales et les associations de consommateurs n'arrêtent pas de tirer la sonnette d'alarme.
Une responsabilité partagée
La pollution de l'eau peut concerner les cours d’eau, les nappes d’eau, les eaux saumâtres ou encore l’eau de pluie, la rosée, la neige…
La responsabilité est partagée entre :
- les rejets industriels (produits chimiques comme les hydrocarbures ou le PCB, eaux évacuées par les usines) ;
- les rejets agricoles (déjections animales, produits phytosanitaires)
- les eaux usées domestiques (toilettes, produits d’entretien ou cosmétiques, peintures, solvants, huiles de vidanges, hydrocarbures…)
- la pollution accidentelle (déversement accidentel de produits toxiques).
Les eaux de pluie, de la rosée ou de la neige, au contact de l'air pollué, se chargent également en résidus d'hydrocarbures et autres métaux lourds.
Pour les nappes souterraines qui fournissent 60 % de l'eau potable, l'agriculture intensive (grande culture et élevage) est principalement responsable, avec ses rejets de nitrates et pesticides (voir encadré).
Produits chimiques et métaux lourds
Les pyralènes (PCB), interdits en France depuis 30 ans, sont encore présents dans certains endroits.
On trouve également dans la chaîne alimentaire par le biais des eaux usées les antioxydants des plastiques et vernis, les éthers de glycol, les hormones de synthèse ainsi que des métaux lourds comme le cadmium qui favorise l'apparition de l'hypertension ou le mercure qui peut provoquer des troubles neurologiques et rénaux.
Micropolluants d’origine médicamenteuse
La France est connue pour sa surconsommation de médicaments. On retrouve ainsi des résidus de substances médicamenteuses dans le milieu naturel (fleuves ou rivières) ou dans les eaux usées des industries chimiques et pharmaceutiques. Conséquence : un déséquilibre de la flore et de la faune aquatique.
Épuration des eaux : de mauvais chiffres
Même si des progrès sont enregistrés chaque année dans la politique d'épuration des eaux et que 98 % des Français ont accès à une eau du robinet conforme à la règlementation, les chiffres ne sont pas satisfaisants. Il y a, selon l'UFC-Que Choisir, 450 000 consommateurs qui boivent une eau dépassant les normes maximales en pesticides et 148 000 une eau contaminée par les nitrates (chiffres de 2020*).
Une réglementation insuffisante et souvent contournée
Il existe une législation censée encadrer la protection de l'eau. Elle est jugée extrêmement laxiste par les ONG environnementales et fait l'objet d'une névrose très française : le principe de dérogation. France Nature Environnement dénonce notamment les arrêtés préfectoraux visant à annuler des "zones de non traitement" par les pesticides à proximité de certains cours d'eau. Elle a obtenu gain de cause auprès des tribunaux à 24 reprises en 2020.*
L'UFC-Que Choisir dénonce le laxisme des autorités chargées des analyses officielles : le spectre des analyses varie selon les ARS (Agences Régionales de Santé). Dans près de 20 départements, il est clairement insuffisant. Par exemple, le nombre de substances recherchées dans l'Aisne est de seulement 12 en moyenne, contre 609 dans le Var !*
L'affaire se corse avec les perturbateurs endocriniens dont on a démontré depuis quelques années qu'ils peuvent avoir de graves conséquences sur la santé à très faibles doses (voir : Perturbateurs endocriniens : quels enjeux ?).
L'UFC-Que Choisir considère qu'ils devraient donc être strictement interdits en application du principe de précaution, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. L'association de consommateurs a relevé la présence de pesticides soupçonnés d’être perturbateurs endocriniens dans 28 % en moyenne des analyses de 2020 considérées conformes à la réglementation.*
Pollueur mais pas payeur
La limitation des émissions polluantes et la mise en œuvre du principe du pollueur payeur se heurte à la réticence des groupes industriels et plus encore des représentants des agriculteurs.
À l'arrivée c'est la population qui supporte l'essentiel du poids des redevances. Les quelques progrès effectués ces dernières années sur l'eau du robinet sont dus uniquement à la couteuse amélioration des procédés de potabilisation de l’eau, intégralement payée par les consommateurs. Pendant ce temps, la pollution des rivières et nappes phréatiques reste toujours aussi élevée.*
Ce qu'on peut faire à notre niveau
Il va de soi que la solution au problème passe par de véritables décisions au niveau des pouvoirs publics mais il y a un certain nombre de gestes que nous devons intégrer dans notre quotidien :
- réduire sa dose de détergents et choisir des produits non polluants ;
- ne pas abandonner ses détritus dans la nature, ne pas jeter ses huiles de vidange, huiles ménagères, herbicides, peintures, solvants et autres ailleurs que dans une déchetterie spécialisée ;
- ne pas utiliser d'engrais chimiques ni de pesticides dans son jardin ou sur son balcon.
Sources :
La société cancérigène, Geneviève Barbier et Armand Farrachi, éditions de la Martinière
*Que Choisir : Carte interactive de l’eau du robinet. Les pesticides se la coulent douce !
**France Nature Environnement : Pesticides : l'alerte sur nos cours d'eau
***Futura Sciences : Les pesticides en France devaient baisser de 50 %..., ils ont augmenté de 25 %
****Vie Publique : Qualité de l'eau et lutte contre la pollution
CIEAU (Le centre d'information sur l'eau) : La pollution de la ressource en eau : d'où vient-elle et comment la réduire ?
En savoir +
En cause : l'agriculture intensive
Trop de nitrates
L'azote contenu dans les engrais ou les déjections animales provenant de l'agriculture et de l'élevage intensifs s'oxyde et se transforme en nitrates, puis en nitrites sous l'influence des bactéries. Ces nitrites peuvent altérer l'hémoglobine et l'empêcher de transférer convenablement l'oxygène vers les cellules. Lors de la digestion de la viande, ils produisent des nitrosamines qui ont un effet cancérigène.
Trop de pesticides
La France dispute à l'Espagne la place de championne d'Europe de consommation de produits phytosanitaires (pesticides), en volumes achetés. L'agriculture et l'élevage intensifs en sont les principaux utilisateurs (90 %) mais il ne faut pas oublier les collectivités, la SNCF et les particuliers qui répandent abondamment leurs insecticides ménagers.**
La quantité utilisée par l’agriculture en France a augmenté de 25 % entre 2011 et 2018, très loin de l'objectif du Grenelle de l'environnement qui était de la réduire de 50 % entre 2009 et 2018.***
L'OMS estime que les pesticides causent chaque année dans le monde 1 million d'empoisonnements graves et 220 000 décès. Ils ont des effets reconnus sur le développement des cancers, des affections neurologiques, des malformations congénitales, des problèmes d'infertilité.
47 %
des Français en 2018
considèrent les pesticides
comme la principale menace
pour les rivières****
21 %
des espèces aquatiques
en France en 2020
sont éteintes
ou menacées****
146 litres
la consommation moyenne
d'eau potable
en France en 2017
par habitant et par jour****