Les dilemmes de l’éco-blanchiment

Les dilemmes de l’éco-blanchiment

Trottinette ou voiture, véhicule électrique ou thermique, canette en aluminium ou bouteille en verre, sac en plastique ou en papier, sapin de Noël véritable ou en plastique ?… Nous autres, consommateurs, sommes mis quotidiennement face à des choix pour lesquels il est difficile de distinguer ce qui relève de données objectives ou de l’éco-blanchiment.

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Sommaire

- "Greenwashing" partout
- Trottinette ou voiture
- Voiture thermique ou électrique
- Canette en aluminium ou bouteille en verre
- Sac en plastique ou en papier
- Sapin de Noël véritable ou en plastique
- Ré-interroger nos besoins

Entre la montée des mers et la fonte des glaciers, l’augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles et l’accélération des déplacements de populations, le changement climatique se déroule sous nos yeux. Pourtant nous ne changeons pas grand chose à nos systèmes économiques et à nos modes de vie. Aucune stratégie collective à la mesure de l’urgence ne se dessine concrètement. Nous sommes en état de sidération, souvent réduits à tenter d’acheter "le moins pire" de ce que nous trouvons dans nos points de vente préférés.

"Greenwashing" partout
Nous y sommes confrontés à la grande habilité des experts en marketing qui ont hissé la publicité mensongère au rang d’art absolu.
"Et le greenwashing est partout. Certaines marques et lobbies le pratiquent délibérément, sans honte ni consistance. D’autres essaient sincèrement de faire mieux mais manquent cruellement de connaissance sur la question"*, constatent Pierre Rouvière, ingénieur, et Barnabé Crespin Pommier, auteur.

Trottinette ou voiture
Par exemple, il semble acquis pour la plupart d’entre nous que la trottinette électrique en libre service a un bilan carbone plus vertueux qu’une voiture à essence. Pierre Rouvière et Barnabé Crespin Pommier ont examiné la réalité des chiffres et douchent l’optimisme ambiant. Il semble en effet, à l’usage, que la trottinette électrique n’ait pas remplacé la voiture mais plutôt la marche à pied et les transports en commun… Qui plus est, la durée de vie assez courte de ce type de véhicule fait grimper son score entre 105 et 160 g CO2 eq/km.personne. Or une citadine à essence émet, elle, entre 190 et 220 g de CO2 par km parcouru. Ce qui veut dire qu’il vaut peut-être mieux rouler seul en trottinette libre service mais, dès qu’on est deux, c’est la voiture qui est la plus écolo.

Voiture thermique ou électrique
Se pose alors la question de choisir entre thermique et électrique. Problème : lorsqu’on vend les qualités écologiques de la voiture électrique, on ne prend en compte que la phase d’usage du produit. Comme s’il ne s’était rien passé avant !
"Alors que les impacts de la voiture électrique sont en grande partie portés par la phase de fabrication !"*, précisent Pierre Rouvière et Barnabé Crespin Pommier. Résultat : c’est sur la durée, au-delà d’un certain nombre de kilomètres, que la voiture électrique se détache de son homologue thermique au gabarit équivalent. Par ailleurs tout dépend du mix électrique en vigueur dans le pays où l’on recharge.
"Dans un contexte français et du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, la voiture électrique deviendrait pertinente au-delà des 50 000 à 80 000 km."*

Canette en aluminium ou bouteille en verre
Lorsqu’on voudra fêter l’achat du véhicule, on sera amené à sélectionner sa boisson en canette ou en bouteille de verre. Intuitivement, la bonne vieille bouteille en verre semble parée de vertus plus écologiques que la canette dont l’aluminium a, à juste titre, mauvaise réputation. Pourtant cette dernière a besoin de beaucoup moins d’énergie pour sa fabrication et utilise moins de matière première !
“En fait, étant donné l'apport énergétique nécessaire pour produire ou même recycler le verre d'emballage, ce matériau n'a de sens que dans un type de circuit fondée sur la réutilisation.”*
Tant qu’on n’aura pas remis en place un sytème de consigne pour les bouteilles en verre, ce sera la canette en aluminium qui gagnera le match.
Il faut se persuader une fois pour toute que l’usage unique doit être banni. Dans le célèbre slogan des “3R”, il y a “Recycler” mais, avant tout, il y a “Réduire” et Réutiliser”.

Sac en plastique ou en papier
Pour transporter ses achats, on est persuadé qu’il est plus vertueux d’opter pour un sac en papier, matière naturelle s’il en est ! La pollution au plastique est un fléau épouvantable. Nous avons tous en tête les images d’animaux marins étouffés par des fibres plastiques et nous savons que des microparticules reviennent dans notre organisme par l’alimentation et l’eau que nous buvons.
“Il pleut du plastique un peu partout sur la planète et nous pourrions en ingérer jusqu'à 5 g chaque semaine”*, précise Pierre Rouvière et Barnabé Crespin Pommier.

Pourtant, lorsqu’on compare le service rendu, il faut beaucoup plus de papier que de plastique pour transporter le même volume de courses.
Certes, en fin de vie, le papier crée moins de complications mais il aura consommé trois fois plus d’eau et aura émis 80 à 90 % de gaz à effet de serre en plus. Encore une fois c’est la réutilisation répétée du sac en plastique qui lui confère de meilleures performances écologiques que son camarade en papier.

Sapin de Noël véritable ou en plastique
Pas de Noël sans sapin ! Mais faut-il installer dans son salon un arbre provenant de monocultures exclusivement développées pour cet usage ou un ersatz artificiel, fabriqué la plupart du temps en Chine ?
On voit bien que les deux solutions ont un impact non négligeable et que ce qui va les départager dépend du nombre de réutilisations, de la distance d’acheminement jusqu’à la destination finale et du traitement en fin de vie.
À l’arrivée, il faudra une vingtaine d’années pour que le sapin en plastique devienne plus intéressant que son homologue naturel.
Et pourquoi pas créer de toute pièce une forme artistique de sapin avec des matériaux de récupération, le décorer de boules, de guirlandes et jouer sur l’évocation de la tradition ?

Ré-interroger nos besoins
La question qu’il faut sans doute se poser à chaque fois est "pourquoi consommons-nous autant de trucs ?". Quel est le besoin réel qui se cache derrière un produit ou un service ? Depuis les années 1950, la science du marketing a mis en oeuvre des moyens de plus en plus sophistiqués pour créer de toute pièce de nouveaux besoins chez le(a) consommateur(trice).
"Le marketing et la publicité piochent jusque dans les sciences cognitives pour mieux nous décrypter !"*

La solution réside à coup sûr dans la sobriété (qui n’est pas synonyme de pauvreté car elle se pense et s’organise autour de l’équité). Pierre Rouvière et Barnabé Crespin Pommier se proposent de concevoir un nouveau récit sociétal sans cesser d’écouter l’altérité, de faire preuve d’imagination et de cheminer dans la complexité du réel au côté des scientifiques.


*Écolo, mon cul !, 14 dilemmes du quotidien pour aller au-delà du bullshit écologique, Pierre Rouvière et Barnabé Crespin Pommier

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Vers une économie de la fonctionnalité

L’obsolescence programmée est une des plaies de notre modèle économique qui a intérêt à ce que les produits ne durent pas. Un smartphone tous les ans, un nouveau pull tous les mois…
Coluche disait :"Quand on pense qu’il suffirait que les gens n’achètent plus pour que ça ne se vende pas !"
"Mais il faut avoir en tête que, dans beaucoup de cas, nous avons individuellement la capacité de renoncer à certains achats", affirment Pierre Rouvière, ingénieur, et Barnabé Crespin Pommier, auteur. "Et ce sans en subir des conséquences autre qu'une déception temporaire… Aussitôt suivie du sentiment gratifiant d'avoir exercé notre liberté."*

Location, leasing, mutualisation, partage… Dans une économie de fonctionnalité, le service prime sur la vente, les bénéfices de l’entreprise ne sont pas conditionnés par le nombre d’objets vendus dont elle a intérêt à prolonger la durée de vie.

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