Haro sur le gluten ! C'est la nouvelle bête noire des médias et les produits "sans" envahissent les rayons des supermarchés. Ce serait une mode, selon certains. Une réalité scientifique selon d'autres. Qu'en est-il exactement ?
Sommaire
- Le gluten c'est quoi ?
- Un effet pro-inflammatoire
- Maladies liées au gluten : peu de gens concernés
- Sensibilité au gluten
- Que faire ?
La question divise le monde scientifique. Pourtant de nombreuses études existent et de nouvelles sortent chaque année au fur et à mesure qu'on progresse sur l'étude de la flore intestinale. C'est sur ces études avérées que se fonde Philippe Fievet*, médecin et biologiste, qui intervenait à propos de la "saga du gluten" aux dernières Rencontres des Médecines Alternatives et Complémentaires de l'hôpital Tenon.
Sa conclusion est simple : "Il y a des gens qui peuvent manger du gluten sans problème mais il y a des gens qui ne doivent pas en manger. Il y a certainement un effet de dose mais il est encore mal connu."
Le gluten c'est quoi ?
Le gluten est un mélange de protéines (prolamines et gluténines) qu'on trouve dans le blé, l'orge, le seigle et par contamination dans l'avoine. C’est le gluten qui fait lever la pâte à pain et qui lui donne de la résistance et de l'élasticité.
La prolamine du blé (gliadine) qu'on retrouve dans l’épeautre et le kamut, celle du seigle (sécaline) et de l’orge (hordéine) posent problème aux personnes intolérantes.
La prolamine du maïs (zéine), du sorgho (cafirine), du riz (orzénine) ou du millet (panicine) ne semblent pas entraîner de conséquences. Celle de l’avoine (avénine) est controversée.
La teneur en gluten des nouvelles variétés de blé a considérablement augmenté ces dernières années. Et le gluten est devenu par ailleurs un ingrédient pour l'industrie agro-alimentaire (voir encadré).
Un effet pro-inflammatoire
Tout le problème vient du fait que le gluten ne serait digestible que partiellement par la salive. Au delà, dans le tube digestif, il n'y a pas d'enzymes capables de digérer ses 33 acides aminés.
Le gluten provoque donc un phénomène inflammatoire dans l'intestin.
"On mange mal, on mange trop vite, on ne mastique pas, on manque d'acides gras polyinsaturés, on prend beaucoup de médicaments, notamment les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) qui modifient complètement le pH dans le tube digestif…" Résultat : la paroi intestinale devient trop perméable et laisse passer des substances toxiques. Cette hyperperméabilité a de lourdes conséquences pour la santé (voir : L'intestin, un rôle stratégique dans notre santé).
Maladies liées au gluten : peu de gens concernés
Le gluten est à l'origine de maladies reconnues par l'ensemble du monde médical. Philippe Fiévet considère qu'il y a trois dates importantes en la matière :
- 1938 on découvre la maladie coeliaque qui se manifeste principalement par des symptômes digestifs (diarrhée, douleurs, ballonnements…) ;
- 1991 : la première ataxie (trouble de la coordination musculaire) au gluten ;
- 2004 : la première allergie anaphylactique (trouble allergique exacerbé) au gluten rattachée à… un tube de rouge à lèvres ! 13 cas à ce jour ont été répertoriés.
Ces pathologies sont certes invalidantes pour les personnes qui en souffrent mais elles concernent un faible pourcentage de la population.
Sensibilité au gluten
Ces dernières années est apparu un trouble plus difficile à cerner : la sensibilité au gluten.
"Tous les ans, il y a un congrès mondial sur la question. Les personnes atteintes ont des symptômes, parfois lourds, et se sentent mieux ou guérissent en 3 ou 4 semaines après l'arrêt du gluten. L'effet placebo ne tient pas car il y a réapparition du symptôme après réintroduction du gluten. Le problème c'est qu'on n'a pas de marqueur biologique", reconnaît Philippe Fiévet.
La sensibilité au gluten toucherait donc beaucoup plus de monde que les maladies ou les allergies.
Philippe Fiévet cite Alessio Fasano, directeur du Centre de Recherche Céliaque à Boston, qui est pour lui le meilleur spécialiste de la question : "Il a fait une étude sur 5 886 personnes et a trouvé une prévalence d'environ 6 % de gens présentant une sensibilité au gluten non coeliaque".
Cette sensibilité serait à l'origine de symptômes extrêmement divers : douleurs abdominales, eczéma ou éruption cutanée, fatigue, diarrhée, dépression, anémies, engourdissements, douleurs articulaires, avortements à répétition, reflux oesophagiens, ostéoporoses, syndrome de l'intestin irritable, etc.
Que faire ?
À ce jour on ne connaît pas la dose seuil qui déclenche une réaction. On ne peut pas non plus déterminer la consommation journalière moyenne des Français.
Comment savoir si l'on souffre d'une sensibilité au gluten ? Philippe Fiévet recommande simplement de supprimer le gluten de son alimentation. Le test le plus probant est en effet la disparition des troubles consécutive à l'arrêt du gluten. Et ils réapparaissent quand on le ré-introduit.
"Ça peut paraitre psychologiquement difficile de changer son alimentation et de supprimer le gluten mais en réalité ce n'est pas compliqué". Et selon lui, il faut éviter les produits issus du marketing "sans gluten". "C'est une ineptie. Tous les nutritionnistes sont d'accord pour dire que l'alimentation "sans gluten" coûte 30 % plus cher."
Une solution moins radicale consiste à prendre des priobiotiques qui "améliorent constamment la sévérité de toutes les pathologies liées au gluten".
*Auteur de L'intestin, carrefour de mon destin, éditions Cido
Sources complémentaires :
Passeport Santé : La maladie coeliaque : quelle différence avec la sensibilité au gluten ?
Le gluten : qu'est-ce que c'est ?
En savoir +
Pourquoi tant de gluten ?
Pourquoi souffrirait-on aujourd'hui de ce composé d'un aliment ancestral qui a accompagné le développement de la civilisation humaine ?
"On a fait des modifications génétiques sur les blés, explique Philippe Fiévet. "C'est la technique brevetée de bombardement biolistique : ce sont des particules de tungstène recouvertes de l'ADN d'une espèce donnée, par exemple qui résiste au froid, bombardées sur les semences. Le tungstène passe à travers et dépose l'ADN dans les cellules. On a donc des blés qui contiennent 6 fois le génome de départ avec des améliorations en terme de productivité, de résistance au gel et à différentes maladies. Mais quand on regarde la teneur en gluten des farines elle a été multipliée par 3 en 50 ans ! Et cette modification des blés est à l'origine des troubles biologiques."
D'autant que le gluten est devenu un intrant technologique du fait de son élasticité et de sa viscosité.
'Vous avez maintenant des usines à gluten. Et vous allez en retrouver dans votre voiture, dans les mousses, les poches élastiques, les emballages." On peut en mettre dans la cosmétique, la confiserie, la charcuterie : rouge à lèvres, bonbons, confitures, pâté, jambon, plats tout faits… En viticulture on traite au gluten pour clarifier le vin, à la place du blanc d'œuf utilisé auparavant.
"On a donc une industrie du gluten. Et il y a des gens qui font des réactions sévères au gluten industriel sans faire de réaction à la farine de base. La cellule Necker a demandé à l'industrie les tests biologiques sur l'impact de ces nouveaux glutens : pas de réponse."