Surpoids et obésité : le rôle du microbiote intestinal

Surpoids et obésité : le rôle du microbiote intestinal

Ce serait le mal de l'époque… Surpoids et obésité sont étroitement associés à l'impact de nos modes de vie sur notre microbiote intestinal.

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Sommaire

- Des causes multiples

- Du côté du microbiote intestinal

- Dialogue entre cerveau, organes et microbiote

- Une maladie inflammatoire chronique

- Adaptation aux nouveaux modes de vie

Tous les pays du monde sont touchés par l'obésité, même les pays émergents.
"En France, aujourd'hui, 55 % des hommes sont en surcharge pondérale et 42 % des femmes. Quant à l'obésité, elle concerne près de 20 % des hommes et 18 % des femmes", explique Arnaud Cocaul, médecin nutritionniste, attaché à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière*, à l'occasion des dernières Rencontres des Médecines Alternatives et Complémentaires à l'hôpital Tenon, le 13 octobre dernier. "Nous sommes entrés dans l'ère des adiposités pathologiques."

Des causes multiples
Il semblerait qu'il y ait eu pendant les 70 dernières années un coup d'accélérateur sur la prévalence de ces pathologies comme jamais dans l'histoire humaine.

Il y a peu, la théorie la plus répandue était simple : le surpoids était dû à une balance défavorable apport/dépense au niveau énergétique.
"On pensait qu'on était obèse parce qu'on mangeait trop."
Aujourd'hui on met en cause le déséquilibre intestinal dû à notre alimentation et à notre mode de vie modernes.
"Sont imputés : le manque d'exercice, la nutrition, l'action de certains virus, l'environnement in utero, la pression sociale, la psychologie, les hormones, la pollution (notamment aux microparticules), les traitements médicamenteux, les progrès technologiques, la perturbation du microbiote intestinal… On voit la complexité du problème !", souligne Arnaud Cocaul.

Du côté du microbiote intestinal
Depuis une quinzaine d'années, les scientifiques sont allés explorer le microbiote intestinal (voir : L'intestin, un rôle stratégique pour notre santé). Ils y ont découvert environ mille espèces de bactéries pour un poids total de 1 à 1,5 kg. Cette découverte est en train de révolutionner la médecine.

"Les Firmicutes consituent 60 à 80 % du total, les Bacteroidetes représentent 20 à 40 %", explique Jean-Marc Chatel, directeur de recherche à l'INRA. "On trouve aussi des protéobactéries, comme Escherichia Coli, des bifides, des lactobacilles… La diversité bactérienne va protéger contre les maladies. Plus vous avez un appauvrissement de votre microbiote, moins vous allez pouvoir résister aux affections, au changement de régime, au stress, etc."
On a constaté qu'en cas d'obésité, il y a une baisse voire une disparition quasi totale des certaines bactéries, notamment Faecalibacterium ou Akkermansia. "Ce qui fait dire que ces bactéries sont des marqueurs santé du microbiote."

Dialogue entre cerveau, organes et microbiote
"Les personnes qui ont un microbiote plus pauvre en bactéries ont plus de risques de développer une inflammation chronique, ce qui peut entraîner l'obésité", précise Arnaud Cocaul. "Il y a des interactions entres nos cellules, nos organes et le microbiote, qui nous conditionnent dès la naissance. Le microbiote intestinal a une fonction de régulation sur le métabolisme énergétique de l'individu. Le foie et les tissus adipeux reçoivent des signaux provenant du microbiote qui vont lui permettre de s'équilibrer et de mieux fonctionner. Notre cerveau lui-même répond à ces stimuli. Des études récentes montrent comment l'anxiété et le stress peuvent être liés à des déséquilibres du microbiote. Il y aurait un dialogue à double sens entre l'organisme et les bactéries : le tissu adipeux contrôle la fonction barrière de l'intestin mais les bactéries de l'intestin seraient capables de contrôler le métabolisme du tissu adipeux."

Une maladie inflammatoire chronique
Le tissu adipeux, c'est quoi ? C'est notre graisse corporelle. Elle est constituée de ce qu'on appelle les "adipocytes", des cellules spécialisées dans le stockage de la graisse, qui sont de trois types : blanc, brun et beige (voir encadré).

"Le tissu adipeux blanc est celui qui pose problème en cas de prise de poids", explique Arnaud Cocaul. "Il secrète plus de 600 substances dont des agents inflammatoires. L'adipocyte blanc peut croître jusqu'à 40 fois sa taille. Au-delà, il va recruter de nouveaux adipocytes. À partir d'un certain seuil, le processus n'est pas réversible. Cette expansion va déclencher une réponse inflammatoire en compromettant l'intégrité de la barrière intestinale et en mettant en place une inflammation chronique avec apparition d'une insulino-résistance. L'obésité est une maladie inflammatoire chronique qui est appelée à se dégrader dans le temps."

Adaptation aux nouveaux modes de vie
Les bactéries que nous abritons dans nos intestins sont censées, en échange, nous protéger contre les affections. En les maltraitant avec nos nouveaux modes de vie, nous avons rompu cet état d'équilibre et provoqué les maladies de société.

"Certains d'entre nous seraient prédisposés à devenir obèses pour se défendre par rapport au milieu radicalement changeant où ils évoluent. On ne peut pas vivre en bonne santé sur une planète malade", affirme Arnaud Cocaul.
En réalité, la médecine commence à considérer que l'obésité serait le prix à payer pour l'adaptation à notre monde moderne.

Nutrition, probiotiques, antioxydants, phytothérapie et oligothérapie font partie des pistes sérieuses pour un traitement efficace (voir : Surpoids et obésité : soigner avec les MAC).

 

*Co-auteur notamment de Dépolluez votre graisse interne et Le régime DASH, Michel Brack et Arnaud Cocaul, éditions Albin Michel

 En savoir +

Tissu adipeux : blanc, brun, beige

- Le tissu adipeux blanc, situé surtout au niveau de l'abdomen, dans la région glutéo-fémorale (culotte de cheval), le péricarde, les gonades et dans les zones intramusculaires, est considéré comme de la graisse amorphe. "Il contient néanmoins quelques mitochondries, des unités productrices d'énergie qui peuvent être stimulées", explique Arnaud Cocaul.

- Le tissu adipeux brun, qui se trouve au niveau du cou et des épaules, est très présent chez les nourrissons. Il produit de l'énergie sous forme de chaleur et participe ainsi à la régulation thermique corporelle.

- Les adipocytes beiges sont des adipocytes blancs qui ont été transformés par l'augmentation du nombre de mitochondries.
Ce "brunissement", cette transformation de graisse blanche en graisse beige, pourrait faire partie des solutions possibles.
"Certains aliments, comme par exemple le brocoli, peuvent y contribuer. L'exercice modéré en extérieur par temps frais favorise aussi le phénomène."

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