Édito de Franck Arguillère

Édito de Franck Arguillère

Le Requip est un médicament utilisé dans le traitement contre la maladie de Parkinson. Problème : il peut provoquer des graves effets indésirables : addictions aux jeux, au sexe et pulsions violentes. C’est ce qu’a révélé tout récemment l’excellente émission de France-Inter Secrets d’Info. Comme à chaque fois, ce qui frappe est l’indifférence et le mépris avec lesquels les laboratoires traitent leurs clients. En l’occurence, ici, le laboratoire britannique GSK néglige depuis des années de rectifier la notice du médicament et d’y faire figurer les avertissements nécessaires. Il semblerait pourtant que l’industriel ait été au courant des effets "spéciaux" de sa molécule dès 2006 et une étude alarmante a été publiée en 2018 dans la revue scientifique Neurology. Aujourd’hui les patients atteints de Parkinson continuent donc de prendre leur traitement sans mise en garde. Plusieurs ont porté plainte.

Requip, ce nouveau nom vient s’ajouter à la liste déjà longue des scandales autour des médicaments : Distillbène, Vioxx, Isoméride, Dépakine, Lariam, Mediator, Levothyrox…
Il est devenu difficile, depuis la crise du covid, d’émettre une voix critique vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique sans se faire aussitôt taxer de "complotisme". Pourtant l’instrumentalisation de la science au service des intérêts particuliers ne date pas d’hier. Au cours des différents échanges que j’avais eus avec lui en 2014, Philippe Even, à l’époque professeur émérite à l'Université Descartes et président de l'Institut de recherche Necker-Enfants malades, situait le tournant dans les années 1990, lorsque l'ensemble de l'économie mondialisée s'est "financiarisée". Dans toutes les branches de l'économie, ce sont les financiers, les "cost-killers", et les gens de marketing qui ont pris petit à petit les commandes, à l’époque, en lieu et place de celles et ceux qui portaient les projets industriels.
Dans le domaine pharmaceutique, comme ailleurs, tout a été soumis, plus qu’avant, à des logiques financières, au dépens des missions premières de la branche, en l'occurence la santé publique.

Cette industrie a pris, à l'aube du 21e siècle, une ampleur inégalée avec une puissance qui n'a de comparable aujourd'hui que celle du secteur informatique.
En panne, semble-t-il, de nouvelles découvertes dans le domaine de la recherche fondamentale, elle a déployé des moyens considérables dans le secteur du marketing, étendant ses réseaux et son influence sur les autorités de santé de tous les pays, dans la perspective d'optimiser les remboursements de ses médicaments et de faire autoriser au plus vite la mise sur le marché de ses nouvelles molécules.
Pas besoin d'imaginer le moindre supposé complot dans cette évolution… La seule logique économique de maximisation du profit suffit largement à expliquer un phénomène de conflits d’intérêts multiples à grande échelle que certains n’hésitent pas à assimiler à de la corruption. Sont touchés les médecins eux-mêmes qui, souvent de bonne foi, dès leur formation, sont devenus les VRP des laboratoires, mais aussi les membres des instances censées réguler, les responsables au plus haut niveau…

Le monde politique serait censé préserver l'intérêt de l’ensemble des citoyens et l'indépendance de la science. En réalité, nous avons à faire aujourd'hui à des gens qui sont au service des intérêts particuliers, de manière souvent très décomplexée et qui ont une notion assez floue voire inexistante de l'intérêt général.
La nouvelle équipe républicaine qui vient de se mettre en place outre Atlantique nous en offre une illustration éclatante.
Pour être plus feutrée, la situation est-elle si différente chez nous ?

Vie Saine et Zen