"Les menaces sur l'électricité sont dues aux défaillances de notre parc nucléaire", selon Corinne Lepage

"Les menaces sur l'électricité sont dues aux défaillances de notre parc nucléaire", selon Corinne Lepage

Retards d’investissement en matière d’entretien et de maintenance, découverte de problèmes de corrosion dans de nombreux réacteurs…

Tels sont les véritables responsables de la crise énergétique que nous traversons actuellement, selon Corinne Lepage, ancienne ministre de l'environnement (de 1995 à 1997) et avocate écologiste. Cette dernière s'insurge contre les médias "incompétents ou désinformés" où l'on entend des absurdités sur les renouvelables du type "les éoliennes et le solaire ne produisent rien du tout" et des contre-vérités sur le nucléaire qui serait l’énergie la moins chère, nous assurant une totale indépendance, incarnant le meilleur du savoir-faire français… En réalité le parc nucléaire est défaillant et produit 50 % de moins que sa capacité normale. La guerre en Ukraine n'a pas grand chose à voir avec la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. En revanche la situation de notre parc nucléaire nous amène à importer beaucoup d'électricité de nos voisins européens alors que nous étions exportateurs auparavant. Et nos voisins, eux, sont affectés par la guerre en Ukraine parce qu’ils produisent de l’électricité à partir du gaz, notamment en Allemagne.

La fermeture de Fessenheim, contrairement à ce qu'on entend ici ou là, n'a rien à voir avec cette crise. Comme la loi, en France, prévoit un plafonnement de la production d’électricité d’origine nucléaire, pour faire démarrer la centrale de Flamanville, il fallait fermer Fessenheim.
"EDF, n’anticipant pas les retards de Flamanville, n’a pas fait les travaux nécessaires à Fessenheim. Et en 2020, on s’est retrouvés au pied du mur : Flamanville n’était toujours pas ouverte et Fessenheim ne pouvait plus continuer à tourner car elle n’était plus dans les clous."

L'approvisionnement en uranium pose également problème. Nous nous approvisionnons au Kazakhstan, un pays très dépendant de la Russie, ou au Niger, pays voisin du Mali. Nous sommes dépendants de Rosatom, une entreprise publique russe spécialisée dans le secteur de l'énergie nucléaire, pour l’enrichissement de nos combustibles et leur retraitement une fois usés.
"L’Union européenne est aussi encore très dépendante de la Russie, de 20 à 25 %, pour le nucléaire. Dès lors, nous constatons que les sanctions européennes prises contre le Kremlin ne concernent pas le nucléaire, qui n’est pas traité de la même façon que le pétrole ou le gaz. Et personne n’en parle !"

Corinne Lepage pense que nous ne pourrons jamais réaliser les six EPR annoncés par le gouvernement, pour des raisons techniques et financières.
"On repart sur des prototypes alors qu’on n’arrive pas à faire fonctionner Flamanville. On va au-devant d’un mur d’investissements colossal, avec une entreprise EDF déjà très endettée et un manque de compétences en interne et au niveau national."
On devrait, selon elle, se contenter de faire fonctionner les centrales existantes aussi longtemps que la sécurité le permet.
"L’avenir énergétique de la France ne passe pas par le nucléaire selon moi, mais par les énergies renouvelables et la sobriété. Je crois beaucoup à la décentralisation de la production électrique avec l’autoproduction et l’autoconsommation. Malheureusement, l’État est irrationnel sur la question du nucléaire parce qu’elle est liée à la grandeur de la France."

 

Source : Novethic, Concepcion Alvarez – 09/12/22

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