Choisir son poisson : le label MSC en question

Choisir son poisson : le label MSC en question

Les produits de la pêche sont difficiles à choisir si l'on veut éviter les espèces trop polluées et celles menacées de disparition. Et voilà que le MSC, seul label évaluant aujourd'hui la pêche durable, se retrouve sous le feu nourri d'un rapport de l'ONG Bloom !

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Sommaire

- MSC : créé par WWF et Unilever
- "Imposture" du label
- Pêcheries industrielles à 83 %
- Loin de la promesse initiale
- Greenwashing ?
- Le MSC se défend
- Le consommateur désorienté

Lorsqu'il choisit son poisson, le consommateur est depuis plusieurs années en face d'un casse-tête. Les nutritionnistes lui conseillent de prendre chaque semaine au moins un poisson gras (pour les oméga-3) et un poisson maigre (voir : Vous reprendrez bien du poisson). Mais attention aux poissons d'élevage peu respectueux de l'environnement ! Même chez ceux qui sont issus de l'aquaculture bio, on n'est pas toujours à l'abri d'une contamination aux métaux lourds. Et si l'on choisit des poissons sauvages, il vaut mieux éviter les espèces les plus polluées et celles qui sont menacées de disparition… On voit que l'équation n'est pas facile à résoudre.

MSC : créé par WWF et Unilever
Lueur d'espoir : depuis 2000, le label MSC (Marine Stewardship Council), créé en 1997 par le WWF et le géant de l’agroalimentaire Unilever, est censé orienter le public vers les produits de la pêche les plus éco-responsables. Par ricochet, on espérait que l’ensemble du secteur soit ainsi incité à la durabilité.

Mais patatras ! Voilà que l'ONG Bloom, créée par Claire Nouvian en 2005 et qui s'est fait connaître notamment par sa campagne efficace contre la pêche électrique, vient de sortir un rapport accablant.

"Imposture" du label
Les auteurs ont procédé à l’analyse exhaustive de toutes les pêcheries certifiées MSC depuis 2000 et passé au crible la communication du label.
"Nos résultats révèlent de façon imparable l'ampleur de l'imposture du label MSC : à l’opposé de ses affirmations, le label MSC certifie en fait principalement des pêcheries industrielles destructrices", affirme sans détour Frédéric Le Manach, directeur scientifique de Bloom.

Pêcheries industrielles à 83 %
Entre 2009 et 2017, la grande pêche industrielle à fort impact environnemental (chaluts de fond, dragues, sennes etc.) a représenté 83 % des volumes certifiés MSC et seulement 32 % de ses illustrations photographiques. Sur la même période, la petite pêche à faible impact (casiers, palangres, filets, cannes, pêche à pied) n'a représenté que 7 % des volumes certifiés mais 47 % des illustrations. Les 10 % restants concernent la pêche intermédiaire.

Loin de la promesse initiale
Bloom tire des conclusions sévères de ce constat.
D'abord la très grande majorité des produits labellisés sont loin de la promesse initiale : le label autorise encore aujourd'hui des méthodes de pêches destructrices comme les chaluts de fond et les dragues.
"Même les plus grands navires usines européens, atteignant 144 mètres de long, sont certifiés MSC. Rien d'étonnant à cela : le label MSC considère que seule la pêche à l'explosif et au poison, comme le cyanure, n'est pas "durable". Tout le reste peut prétendre à une certification."

Greenwashing ?
Ensuite la communication du MSC porterait tous les symptômes du greenwashing et offrirait ainsi un tremplin à la pêche industrielle, à l'heure où les consommateurs réclament avec force une plus grande authenticité et une meilleure durabilité des produits qu'ils consomment. Le MSC serait même devenu un frein à la pêche durable !
"En servant de bouclier marketing aux industriels de la pêche mondiale, le MSC empêche aujourd’hui toute possibilité de changement structurel du secteur de la pêche en légitimant les pires pratiques", ajoute Frédéric Le Manach.

Le MSC se défend
Le MSC a tenu à répondre à ce procès au vitriol.
"Nous sommes en désaccord avec Bloom sur un point fondamental : la durabilité environnementale d'une pêcherie ne se mesure ni à la taille du bateau ni à l'engin utilisé. Il est trompeur de laisser entendre que pêche artisanale rime systématiquement avec pêche durable, tout comme pêche industrielle ne rime pas nécessairement avec pêche destructrice." Le label estime que son travail est incompris.
"Une partie essentielle de nos missions consiste à accompagner les pêcheries à atteindre le niveau de durabilité exigé par nos référentiels. Ce travail de longue haleine, absent du périmètre de l'analyse de Bloom, est pourtant au cœur de notre programme depuis plus de vingt ans."

Le consommateur désorienté
On mesure la complexité du problème. Reste que le consommateur de poisson a des raisons de se sentir floué et désorienté. Plus que jamais, il devient urgent de mettre en place un étiquetage lisible et fiable indiquant la traçabilité des produits de la mer.

 

Sources :
Bloom : L'imposture du label MSC
Actu-Environnement : Pêche durable : le label MSC dans la ligne de mire de l'association Bloom
C Durable : Bloom accuse : l’imposture du label MSC
Le Figaro : Le saumon bio plus toxique que le non bio

 En savoir +

Les principales critiques sur le label

- Des critères d'accès au label laxistes : n’importe quelle méthode de pêche, même la plus destructrice, peut être certifiée. Seules les pêches à l'explosif et au poison ne peuvent postuler à une certification MSC.

- Des conflits d'intérêts : le cabinet chargé d’évaluer une pêcherie est choisi et rémunéré par la même pêcherie.

- Une absence de recours possible de la part des citoyens et des ONG en cas de désaccord sur une certification : la règle du MSC prévoit que le "juge" censé arbitrer les objections soit choisi et rémunéré par le MSC.

- Une gestion peu "associative" : une enquête de 2020 révèle que le MSC possède près de 40 millions d'euros en avoirs nets (bâtiments, dépôts bancaires, placements financiers etc.). 

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