Les viticulteurs qui sont à la recherche des vins les plus naturels possibles tentent de minimiser voire de supprimer l'ajout de soufre au moment de la vinification. Pourquoi ? Souci de qualité, exigence de cohérence, curiosité expérimentale… Depuis quelques années ce serait même devenu une mode !
Sommaire
- Pourquoi met-on du soufre dans le vin ?
- Des taux faibles : dans les "vins bio"
- Les taux les plus faibles : dans les vins "sans sulfites ajoutés"
- Une demande du consommateur
- Une cohérence avec un engagement écolo
- Une recherche d'excellence pour certains vins
Le petit mal de tête après une dégustation de rosé ou de blanc, tout le monde connaît. Certains sont plus sensibles que d'autres, et peuvent même parfois être sujets à des allergies…
Le responsable, la plupart du temps, c'est le soufre en overdose ! Ou plutôt les sulfites, parce que c'est ainsi qu'il se présente dans les vins, sous forme de dioxyde de soufre (SO2 ou anhyrdide sulfureux). Alors peut-on trouver des vins sans sulfites ? Pas si simple.
Pourquoi met-on du soufre dans le vin ?
Le SO2 joue un rôle de stabilisateur dans la fermentation du vin et permet d'empêcher le développement de micro-organismes.
Sans lui, "on peut avoir de mauvaises bactéries et de mauvaises levures et donc avoir un vin qui tourne à la piquette", explique Pierre Veyron, vigneron dans le Bordelais. "Du sulfite on en trouve partout, dans tous les condiments, la moutarde, les cornichons, la charcuterie…"
Les dénominations de E220 à E228 sont des sulfites.
Des taux faibles : dans les "vins bio"
Heureusement, on peut trouver facilement des vins avec peu de sulfites. En agriculture biologique, et a fortiori en biodynamie, les vins ont la plupart du temps des taux inférieurs à 45 mg/l. Or dans les vins conventionnels les doses maximales autorisées selon les normes CEE sont à 160 mg/l pour les rouges et 210 mg/l pour les rosés et les blancs secs !
Pierre Veyron s'insurge : "dans les vins conventionnels, on met du disulfite de potassium qui est très toxique. Alors que dans les vins bio on met de l'anhydride sulfureux qui est beaucoup moins toxique. La norme Nature & Progrès impose de ne pas dépasser 70 mg/l pour les vins rouges. Pour vous donner une idée, chez nous à Château Cajus, on est à 15 mg/l en 2005, et 13 mg/l en 2004."
Malheureusement, l'étiquette ne renseigne pas beaucoup le consommateur. À partir de 10 mg/l la mention "contient des sulfites" est obligatoire. Que le taux soit de 11, 110 ou 160 mg/l !
Les taux les plus faibles : dans les vins "sans sulfites ajoutés"
Certains vignerons choisissent de ne pas ajouter de sulfites au moment de la vinification. La mention "sans sulfites ajoutés" figure alors sur l'étiquette.
Paradoxalement, cela ne veut pas dire qu'on ne va pas retrouver de sulfites dans le vin car les levures en sécrètent naturellement comme "autoprotection". Généralement, les taux sont très faibles mais, ironie du sort, ils peuvent parfois dépasser légèrement le seuil des 10 mg/l, comme c'est le cas au Domaine du Mortier, en Saint-Nicolas de Bourgueil. Un comble !
Une demande du consommateur
À Château Cajus, c'est à titre expérimental qu'on a décidé depuis seulement deux ans de faire une cuvée sans sulfite ajouté. "On prend ce risque parce qu'il y a une demande du consommateur."
Une cohérence avec un engagement écolo
Au Domaine du Mortier, c'est une question de cohérence : "chez nous on ne fait que des vinifications naturelles sans levures, sans tanins, sans enzymes, sans rajouter d'intrants. Ça nous posait des problèmes de conscience de rajouter des sulfites."
Une recherche d'excellence pour certains vins
À Château Richard, en Bergerac, Richard Doughty fait du vin sans sulfites ajoutés depuis 1998 et aujourd'hui cela représente 80 % de sa production. Cette année, sur 50 vins classés par la revue Gault & Millau, sa "cuvée Osée" rouge est classée deuxième avec une note de 17,5/20.
"Pour moi c'est d'abord une démarche qualitative. Et tant mieux si en plus c'est bon pour la santé ! Mais ce n'est pas une panacée, ce n'est pas la seule et unique façon de faire des bons vins.
Avec les vins rouges les propriétés antioxydantes des sulfites sont peu ou pas nécessaires. Surtout avec des merlots ou des cabernets francs, des vins très structurés, très taniques. Avec les blancs secs, c'est plus compliqué. Il faut ruser dans l'élevage pour que le vin ne soit pas oxydé. Dans tous les cas il faut du raisin très sain."
Ce sont des vins qu'on peut garder : "ma cuvée Osée a une capacité de garde de 5 à 10 ans. Le vin rouge sans sulfite vieillit deux fois plus vite qu'un vin sulfité. À 5 ans il aura la typicité d'un vin de 10 ans."
Pour Richard Doughty, ce sont des vins qui ont une meilleure expressivité : "les sulfites donnent aux vins une certaine dureté, un goût un peu métallique."
Au Domaine du Mortier on est d'accord : "les vins sans sulfite sont des vins vivants qui s'expriment différemment selon les moments et qui ont une âme."
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Des problèmes sur les méthodes de mesure
Selon tous les viticulteurs que nous avons interrogés, il y aurait un gros problème sur la manière de mesurer les taux de sulfites.
On pourrait avoir sur le même vin des écarts considérables selon la méthode utilisée par les laboratoires.
Richard Doughty trouve celle de Franz Paul "assez fiable".
Pour lui, "avec d'autres méthodes on peut trouver des sulfites qui n'existent pas parce que d'autres éléments du vin vont déclencher la mesure automatique. Certains de mes collègues se sont retrouvés avec des taux élevés de sulfites simplement parce que leur labo avait mal fait la mesure."
Un étiquetage trop flou, des méthodes de mesures à la qualité disparate et qui ne sont pas harmonisées… La réglementation concernant les teneurs de SO2 dans les vins va devoir évoluer pour que le consommateur puisse faire son choix en connaissance de cause.
160 mg/l
de SO2
teneur maximale autorisée
dans le vin rouge
10 mg/l
de SO2,
au-delà l'étiquette doit mentionner
"contient des sulfites"
4 mg/l
de SO2,
en dessous il est "ND",
non détecté