Fruits et cépages oubliés

Fruits et cépages oubliés

Redécouvrir les "variétés de pays" est un devoir pour l'environnement et une chance pour nos papilles de retrouver le goût du naturel et de l'authentique. Pourvu que des réglementations obsolètes ne nous gâchent pas notre plaisir !

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Sommaire

- Des variétés de pays aux hybrides
- Des hybrides aux modernes
- Le retour des variétés de pays
- Des cépages oubliés pour des vins de caractère
- L'exemple du Jacquez

Depuis quelques années nous nous régalons avec les légumes anciens qui reviennent sur nos marchés : panais, crosne, topinambour, rutabaga, romanesco… On redécouvre maintenant les fruits oubliés et des vins issus de cépages rares sortent de leur cachette…

Des variétés de pays aux hybrides
C'est bien connu, nos ancêtres lointains se nourrissaient en allant cueillir dans la nature les baies et les fruits sauvages.
Puis ils commencent à cultiver les arbres fruitiers. Pendant une longue période qui dure jusqu'au 18e siècle, chaque terroir a ses "variétés de pays" sélectionnées par les paysans. Certaines de ces variétés voyagent parfois au-delà des mers et sont rebaptisées au fur et à mesure de leurs pérégrinations. Mais la plupart du temps, elles se développent localement et ne peuvent voyager très loin sans perdre leur saveur et leur caractère.

Ensuite apparaît l'hybridation. Naissent alors les "variétés nationales", issues des "variétés de château" développées par des aristocrates. À partir de cette époque, on commence à se préoccuper plus de l'apparence du fruit que de son caractère gustatif. C'est l'époque des hybrides. Ils n'ont pas de zone spécifique et peuvent être cultivés loin de leur terroir d'origine.

Des hybrides aux modernes
Après la 2de Guerre Mondiale le modèle de production change complètement. Culture intensive, fertilisation chimique, mécanisation, il faut créer des “variétés modernes” faciles à transporter, avec une apparence avantageuse et une productivité maximale.

Le retour des variétés de pays
Pourtant depuis une trentaine d'années, on constate un regain d'intérêt pour les variétés de pays.
Pomme Ste Germaine dans l’ouest du Massif Central, poire Martin Sec dans le sud des Alpes, pomme de Risoul dans la région de Gap, poire Duchesse du Berry d’Eté, pomme Belle Limousine, Coquette d'Auvergne, Reinette du Mans… Nous aimons y trouver un goût de naturel et d'authenticité…

Beaucoup d'entre elles ont surtout un intérêt en tant qu'ingrédient de recettes locales : fruit séché (prune Sainte-Catherine), cidre, poiré, liqueur, pâtisserie, confiserie... La poire Cuisse-Dame, par exemple, est intéressante uniquement en fruit confit, pour le "poirat" ou la confiture.

De nombreux cépages oubliés de raisin sont à l'origine de vins qui expriment leur terroir avec excellence et caractère.

Des cépages oubliés pour des vins de caractère
En France, on trouve sur des dizaines voire des centaines d'hectares les cépages bien connus : Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon, Merlot, Syrah, Grenache, Carignan, Gamay, Chardonnay…
On connaît moins un cépage comme l'Altesse qui est cultivé sur moins de 200 ha et donne la Roussette de Savoie, qui fait merveille sur la fondue régionale.
Celui de la Folle Blanche ne s'étend que sur quelques milliers d'hectares et donne le Gros Plant du Pays Nantais qui sublime l'iode des huîtres.
Et avez-vous entendu parler de la Mondeuse, du Savagnin, du Poulsard, du Trousseau, du Grolleau, du Gamaret… ?

Dans certains cas, il est nécessaire que des associations se forment pour maintenir la culture de certains cépages qui ont du mal à rester dans la course de la rentabilité et à résister à une réglementation pour le moins obsolète. C'est le cas notamment du réseau Fruits Oubliés.

L'exemple du Jacquez
En Ardèche, l'association Mémoire de la vigne récolte et achète à quelques propriétaires les vendanges de Jacquez, puis les vinifie et en fait une "Cuvée de vignes d'antan", tout en rondeur, en velours et en finesse, sur une note de fruits noirs, mûre ou cassis avec une touche d'épices douces, vanille ou réglisse…

Depuis 1935 le Jacquez est frappé d'interdiction (voir encadré). En attendant que la réglementation change, on a le droit de déguster le vin des cépages interdits dans un cadre associatif. La cotisation nous ouvre le droit de goûter ces bijoux du terroir dans le cadre familial, avec le plaisir supplémentaire d'avoir le sentiment de contourner la loi !

Il faut espérer que les pouvoirs publics prendront vite la mesure de l'importance de ces fruits et cépages oubliés en termes de biodiversité et de développement local durable.

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Le Jacquez

Il est ainsi nommé parce que, originaire de Madère, il fut introduit dans le Mississipi par un espagnol prénommé Jacques.

Importé en Ardèche au 19e siècle, comme bien d'autres cépages venus des États-Unis, il avait l'avantage de résister aux maladies, notamment à l'oïdium et au phylloxera.

Depuis 1935 le Jacquez est frappé d'interdiction, comme beaucoup d'autres hybrides : Herbemont, Noah, Clinton, Othello, Isabelle…
Cette interdiction, sans doute justifiée à l'époque par la lutte contre la surproduction, s'était également appuyée sur des arguments scientifiques : mauvaise qualité phytosanitaire, inadaptation en terrain calcaire, forte teneur en méthanol qui détruirait les cellules nerveuses…

Ces arguments ont été démentis par les études effectuées au début des années 2000 par la Chambre d'Agriculture d'Ardèche et l'INRA : bonne résistance phytosanitaire, taux de méthanol dans les normes ; effectivement inadapté aux terrains calcaires, il s'épanouit sur des terroirs acides comme ceux de la Cévenne ardéchoise.

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