Le pardon : guérir de ses blessures

Le pardon : guérir de ses blessures

Le pardon est souvent associé à un processus de résilience. Venu du religieux, le mot est souvent mal compris. Pourtant s'il est le résultat d'un travail exigeant, par exemple en psychothérapie, il permet de guérir des blessures émotionnelles profondes.

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Sommaire

- Soigner les blessures du coeur
- Se protéger
- Pardonner n'est pas "excuser"
- Pardonner n'est pas "oublier"
- Pardonner n'est pas "se réconcilier"
- Vivre les différentes étapes
- Un cadeau à soi-même

Les psychothérapeutes travaillent depuis quelques décennies sur la notion de résilience qui est, selon Boris Cyrulnik*, "la possibilité de se remettre à vivre après une agonie psychique traumatique ou dans des conditions adverses".

Pendant une thérapie analytique, il serait même question du pardon au sens large. Selon Jacques Arènes**, psychanalyste, il s'agirait d'entamer "un processus qui aboutira à pardonner au réel d'être ce qu'il a été".

Soigner les blessures du coeur
Il y a des dimensions différentes selon qu'on doit pardonner à un criminel, un tortionnaire pervers, un parent maltraitant, un partenaire infidèle ou un agresseur involontaire. Mais dans tous les cas la question du pardon se pose car les plaies émotionnelles fonctionnent à la manière des plaies physiques : si l'on attend sans rien faire, elles risquent à terme de s'infecter.

Pour Olivier Clerc***, le pardon serait le baume qui permet de soigner les blessures du cœur, "le remède à ce poison émotionnel que constituent la haine, la rancœur et le ressentiment". Selon lui, le pardon s'impose dans tous les cas comme un chemin vers la paix du cœur, une résurrection de l'amour.

Se protéger
Avant tout, il est fondamental de faire cesser l'action qui fait du mal. Il faut décider de ne plus souffrir, se protéger de la violence subie et mettre le coupable en face de ses responsabilités : couper les ponts avec la personne toxique, mettre de la distance, faire intervenir la justice s'il le faut.

"On ne peut être magnanime que si l'on est vainqueur. Il faut de toute façon que la personne qui a fait le mal ou le crime soit déjà dans une situation où elle ne soit plus capable de le faire", dit Edgar Morin****.

Pardonner n'est pas "excuser"
Il est ensuite important de ne pas faire de confusion entre des notions qui sont proches dans le langage courant et peuvent être souvent confondues : pardonner ne veut pas dire cautionner ou excuser.

"Quand j'excuse quelqu'un, cela veut dire que je ne retiens plus aucune charge contre lui. Quand je lui pardonne, cela veut dire que je cesse de le détester, de lui en vouloir. On est dans deux registres différents", précise Olivier Clerc.
Rien n'empêche, par exemple, de pardonner à la personne et de demander condamnation devant la justice.

Pardonner n'est pas "oublier"
De la même manière, pardonner ne veut pas dire oublier. Dans le processus de résilience il est fait un travail de deuil du souvenir traumatique : "le souvenir ne prendra une place tranquille dans la mémoire émotionnelle que s'il est apprivoisé, cicatrisé (…) vidé de sa charge affective douloureuse", explique Roland Coutanceau*, psychiatre.

Pardonner n'est pas "se réconcilier"
Pour se réconcilier, il faut que la personne d'en face ait pris conscience de ses actes et fasse la moitié du chemin en tentant de réparer l'offense. Cela peut arriver mais si ça n'est pas possible, rien n'empêche de faire seul le travail de cicatrisation.

Michel Onfray* parle ainsi du pardon qu'il a réussi à accorder à sa mère maltraitante : "des années après, devenu ce que je suis, j'ai compris, j'ai pardonné si tant est que ce mot est un sens - disons que je ne fais pas de ce passé un argument pour mon présent avec elle, voir mon futur".

Vivre les différentes étapes
Sur le chemin de la résilience, les étapes sont différentes pour chacun. Dans le cas du pardon, certains voient une ressemblance avec le travail de deuil décrit par Élisabeth Kübler-Ross : déni, colère, marchandage, dépression, acceptation. Dans l'ordre ou dans le désordre.

Parmi les premières étapes à vivre : surmonter la difficulté à dire, savoir reconnaître sa souffrance, s'il le faut en exprimant sa colère, sa haine, éventuellement en recueillant des témoignages ; accepter son statut de victime, assumer sa faiblesse, ne pas se sentir coupable…

Il est également important de tenter de comprendre ce qui a amené la personne à provoquer la blessure : ses motivations, ses faiblesses, ses névroses ; ce qui ressort de l'acte volontaire et raisonné, ce qui a trait à la reproduction inconsciente de conditionnements familiaux ou de comportements transmis par des liens transgénérationnels.
Victor Hugo disait : "Je tâche de comprendre afin de pardonner, Je veux qu'on examine avant d'exterminer".

Le chemin prend du temps, se fait parfois naturellement ou nécessite une thérapie approfondie. Dans tous les cas le pardon se mûrit au fond de soi, à travers toutes les étapes nécessaires. Mais attention ! Il ne peut faire l'objet d'une décision extérieure. (Voir encadré)

Un cadeau à soi-même
Lorsque le travail peut aller à son terme, le pardon est un cadeau qu'on se fait à soi-même et qui permet, pour Olivier Clerc, "de se libérer de l'étau de la haine, de panser ses plaies, de guérir son cœur".

"Il en est de celui qui n'a pas connu la résilience d'être éternellement ce qu'il fut et de devenir indéfiniment ce qu'il a été, et ce dans un cycle sans fin", dit Michel Onfray.

 

*Co-auteur notamment de Résilience et relations humaines, éditions Dunod
**Auteur de La Quête spirituelle hier et aujourd'hui, éditions du Cerf.
***Auteur de Peut-on tout pardonner ?, éditions Eyrolles, et fondateur des Cercles de Pardon
****Réponse à Jacques Derrida dans Le Monde des Débats
*****Auteure notamment de Notre corps ne ment jamais, éditions Flammarion

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La réussite n'est pas obligatoire

Alice Miller***** insiste dans ses travaux sur l'importance fondamentale du besoin "de vérité, de fidélité à soi-même, à ses perceptions, sentiments et connaissances". Selon elle, un pardon accordé par exemple sous l'influence d'un thérapeute pris au piège de la morale traditionnelle, "empêche la cicatrisation des plaies – sans même parler de guérison". Et c'est alors le corps qui a le dernier mot et exprime l'indicible sous la forme de pathologies parfois lourdes.

Il faut donc se méfier du déni de réalité produit par le fait de se soumettre plus ou moins consciemment à l'injonction morale qui existe dans le pardon religieux ou dans une thérapie mal dégagée de ces mêmes valeurs religieuses notamment dans la version new-age du "il faut tout pardonner".

Le pardon est un travail mais il n'est pas une obligation. La réussite n'est pas automatique : l'impardonnable existe aussi.

Vie Saine et Zen