Et si nous lâchions prise en matière de sexualité ? Si nous ralentissions ? Si nous arrivions à oublier nos exigences et nos attentes et si nous nous rendions simplement disponibles à l'autre et à l'instant ? Il semblerait qu'il y ait fort à y gagner…
Sommaire
- Chez la femme : la peur d'être utilisée
- Chez l'homme : la peur d'être rejeté
- Retrouver son yin et son yang
- Éviter les excès de yin ou de yang
- Laisser faire l'amour
Après la slow food, le slow management, la slow money, le slow art, la slow cosmétique, voici une nouvelle facette de la slow life : le slow sex ! À l'inverse de la culture porno, à l'inverse des recettes toutes faites qu'on trouve dans les magazines où la sexualité est envisagée comme une technique de fitness avec un menu standard comprenant en dessert l'orgasme obligatoire (voir : Le diktat de l'orgasme), de plus en plus de couples vont vers la lenteur sexuelle et trouvent un épanouissement dans la rencontre et la relation.
Stephen Vasey*, sociologue et gestalt thérapeute, se sent en phase avec le mouvement Slow. À l'origine il a puisé ses sources dans le tantrisme, où il a rencontré "cette notion de lâcher prise, cette permission d'inclure ce qui est là, de ne pas se battre, de ne pas faire des efforts pour arriver à quelque chose ou à un but".
Chez la femme : la peur d'être utilisée
Pour lui, la première des choses à faire pour accéder à une sexualité épanouie est de se désencombrer des peurs couramment répandues.
"Chez la femme, il y a une telle blessure dans l'inconscient collectif qu'il y a une hypersensibilité sur le fait d'être utilisée. J'observe que cela émerge assez facilement."
Il suffit que l'homme soit pressé d'arriver à la case finale, pénétration et orgasme, pour que la femme se sente utilisée. La plupart du temps, il ne s'en rend pas compte. Il se peut même qu'il soit un compagnon aimant et sincère. Mais parce qu'il considère qu'il a des besoins, par routine, par facilité, il ne rencontre pas sa partenaire, il l'utilise…
Chez l'homme : la peur d'être rejeté
Pour l'homme, la grande difficulté c'est d'essuyer des refus.
"Chez certains, le rejet est une catastrophe. C'est pour cela qu'il y a des hommes qui ne demandent pas, qui extorquent. Qui essaient de convaincre, de persuader la femme. La peur du rejet semble les décontenancer, anéantir leurs ardeurs. Et après, ils se comportent souvent comme un petit garçon. Quand une femme dit "non", cela peut juste vouloir dire "pas maintenant". Mais l'homme a tendance à le prendre à un autre niveau, comme une punition ou un manque de reconnaissance. Du reste certains hommes disent "tu m'as trop refusé, maintenant je ne demande plus, je ne t'approche plus" et c'est la femme qui décide du moment du rapport. C'est une forme de rancœur, d'aigreur et ils se retrouvent coupés dans leurs élans. Or je pense qu'il y a une vie après le "non". Il y a une manière d'ouvrir des possibilités de rencontre et de jeu."
Retrouver son yin et son yang
Il y a en chacun de nous, homme ou femme, une part de féminin et une part de masculin. Dans la pensée chinoise, ce sont les fameux "yin" et "yang".
"Quand un homme ou une femme assume ses deux parties, ça marche ! Cela crée une dynamique dans les énergies, dans la rencontre. Ces deux qualités, yang et yin, active et réceptive, "donner la direction" et "accueillir", permettent toutes sortes de possibilités et d'occasion de se rencontrer."
Éviter les excès de yin ou de yang
Pourtant, selon Stephen Vasey, la femme a aujourd'hui de la peine à assumer sa part féminine.
"Elle a tellement gagné en masculin, ce qui était nécessaire, que parfois c'est difficile pour elle d'avoir assez confiance pour se couler dans son féminin, devenir réceptive, savoir jouer avec ce qui arrive et en faire quelque chose de bon pour elle."
Ce qui amène certaines d'entre elles à un excès de yang.
"Elles deviennent contrôlantes, un peu rigides, coupantes, cassantes."
De l'autre côté, dans notre culture occidentale, l'homme se retrouve très bousculé depuis quelques décennies. Certains d'entre eux ont développé un excès de yin.
"Ils deviennent un peu dilués, mollassons."
Homme et femme ont donc la possibilité de vivre soit le bon côté du yin et du yang sous une forme épanouissante et consciente, soit de subir la part d'ombre en excès de yin ou de yang sous une forme inconsciente.
"Si on a en face un bon féminin, cela donne des ailes au yang. Et vice-versa : quand une femme sent vraiment qu'il y a en face d'elle un vrai mec qui est debout, serein et tranquille dans son côté pénétrant, ça la touche et ça la fait basculer beaucoup plus facilement dans son yin. On est dans la danse des deux énergies et dans la complémentarité. Quand l'un est dans sa plénitude, ça peut vraiment aider l'autre à être dans la plénitude de son autre pôle. On est dans l'électricité, dans le jeu des polarités."
Laisser faire l'amour
Dans ses consultations et ses séminaires, Stephen Vasey propose aux participants de laisser venir les choses en matière de sexualité, d'en faire moins. Ne pas se donner de but, ne pas avoir d'attente sur ce qui doit se passer, se dire que le résultat ne leur appartient pas.
"Lorsque quelqu'un est présent, qu'il entre dans une relation en lâchant prise sur ses attentes, qu'il abandonne toutes formes de projections sur la manière avec laquelle les choses devraient se passer ou sur la manière avec laquelle l'autre ou soi-même devrait être… Il y a alors une disponibilité, une possibilité de se marier énergétiquement avec l'autre. Ce n'est pas juste poétique et sympa, c'est quelque chose qui fait bouger le monde et qui est très concret !"
*auteur de Laisser faire l'amour, éditions Love of the Path
Site : Laisser faire l'amour, un chemin surprenant vers la lenteur sexuelle
En savoir +
Éloge de l'artificiel
Dans la relation d'amour, Stephen Vasey insiste sur la nécessité d'habiter son corps.
"Lorsque les gens sont trop dans leur tête, ils sont moins dans la relation. Je propose dans ce domaine un certain nombre d'exercices comme par exemple : l'attitude ouverte à l'artificiel. Cela peut paraître un peu provocateur mais lorsque les gens sont d'accord pour lâcher leurs automatismes, qu'ils appellent le "naturel", lorsqu'ils décident quelque chose de complètement artificiel comme de ne pas pénétrer ou de ne pas avoir d'orgasme, cela les pousse à vivre autre chose, à sortir des sentiers battus. Je trouve ça très intéressant, cela peut faire lâcher un certain nombre d'attentes. Ce n'est pas une technique, c'est une sorte de positionnement intérieur qui nous permet d'arriver dans la relation."