Elle peut nous aider lorsque nous traversons des moments difficiles, faciliter la rencontre et la relation à l'autre. C'est aussi une spécialité qui peut compléter efficacement la pratique des psychothérapeutes, des soignants et des enseignants. L'haptonomie est une "façon d'être en relation dans toutes les situations de la vie"…
Sommaire
- Une façon d'être au monde
- Le tact : toucher sans toucher
- Un sens qui se prolonge
- Des séances découvertes
- Psychothérapie ou "psychagogie"
- Formations pour les professionnels
- Une plus grande liberté
Beaucoup connaissent l'haptonomie comme préparation à l'accouchement et comme accompagnement du bébé et de ses parents pendant les premiers mois (voir : Haptonomie : communiquer avec bébé pendant la grossesse). Mais c'est en réalité une discipline qui peut nous accompagner tout au long de la vie.
Une façon d'être au monde
Définie par son fondateur, Frans Veldman, comme "science de l'affectivité", l'haptonomie est une forme d’art de vivre. "C'est une façon d'être ensemble au monde, une façon d'être soi en relation avec les autres et l’environnement de vie", précise Hélène Sallez, psychologue, qui s’est formée avec Frans Veldman de 1986 jusqu'à la mort de ce dernier en 2010.
Le tact : toucher sans toucher
L'haptonomie consiste à développer une perception et une communication affective, subtile, peut-être même vibratoire, qui peut passer par le toucher mais qui peut également se percevoir à distance : le "tact". "C'est impressionnant de voir comment l'haptonomie peut toucher sans toucher."
Pour comprendre ce qu'est ce "tact", il faut revenir dans la période prénatale. "Avant que les premières cellules de perception se spécialisent et deviennent rétines, tympans, peau, muqueuses olfactives, gustatives… Il n'y a qu'un seul sens, l’ancêtre des cinq sens, c'est le tact", explique Hélène Sallez.
Ce serait ce sens originel que l'on retrouverait quand on se forme à l'haptonomie : "une sorte d’intelligence vitale qui oriente comme une boussole, vers ce qui est bon et juste".
"On redéveloppe cette capacité à percevoir finement quelque chose qui n'est ni visible ni audible et qui peut faire dire par exemple "j'étais bien inspiré de parler comme ça…" Ce tact fait qu'on perçoit l'autre, même à distance raisonnable. Il s’établit un contact affectif : deux sensibilités d'humains à l'écoute l'une de l'autre et qui inspirent chacun vers le meilleur possible à partager."
Un sens qui se prolonge
L’observation montre que le tact est un sens qui se prolonge.
"Il se prolonge dans l'espace, dans les objets. C'est grâce à ça qu'on peut écrire, jouer au golf ou au tennis : on se prolonge dans la raquette, dans le club, on sent même où la balle va atterrir. Il se prolonge aussi dans le temps. Après une première séance de découverte où je pose ma main dans le dos d'une personne, où je lui demande de sentir ma main et, plus loin que ma main, mon bras, la personne me dit souvent : "J'ai senti votre main dans mon dos pendant longtemps !..." Trois heures ou trois jours."
C'est ce tact primitif qui fait que le bébé, s'il a été assez longtemps en contact avec sa mère, peut se détacher d'elle et se sentir en sécurité.
Des séances découvertes
Elles sont proposées par tous les praticiens en haptonomie.
"Il y a trois séances progressives qui ont été bien étudiées par Frans Veldman et ses premiers élèves. Ces séances vont révéler et réveiller le tact primitif."
Elles permettent par exemple de découvrir comment une approche de l'autre, prudente et adéquate, peut lui faire dépasser ses défenses au lieu de provoquer de l'agressivité, phénomènes observables et reproductibles.
Ces séances sont espacées au maximum de deux ou trois semaines. Il est ensuite proposé une "séance d'exploration" au cours de laquelle le praticien revient sur ces trois séances de découvertes et explore avec la personne ce qu'il pourrait être profitable d'approfondir.
Psychothérapie ou "psychagogie"
Si l'on veut aller un peu plus loin, il est alors envisageable de se faire accompagner soit dans le cadre d'une psychothérapie soit simplement d'une pédagogie à un mode de vie nouveau, la "psychagogie". Les séances sont toujours individuelles, et pour le périnatal, en couple.
L'haptonomie est un peu inclassable. Elle ne fonctionne pas dans un protocole psychanalytique. Ce n'est pas non plus une thérapie brève de type cognitivo-comportementale.
"On ne prend un rendez-vous que d'une fois sur l'autre et, si possible, à la demande." La notion d'autonomie est très importante. "Il ne s'agit pas de rendre quelqu'un dépendant de sa thérapie", affirme Hélène Sallez.
La manière avec laquelle l'haptonomie recommande de porter les bébés est symptomatique de cet état d'esprit. "On porte le bébé tourné vers le monde et dès qu'il a les moyens de se mettre sur ses jambes et d'y aller, il y va. C'est une métaphore qui exprime la façon dont on soutient quelqu'un qui demande de l'aide. On lui fait vraiment sentir qu'on est là, dans le contact, dans la proximité, et c'est sur la base de cette proximité-là qu'il peut se détacher et s'en aller."
Formations pour les professionnels
Pour les professionnels de santé, de soin ou de l'éducation, le Centre International de Recherche et de Développement de l'Haptonomie Frans Veldman qui se trouve à Paris a prévu un certain nombre de formations qui commencent toutes par un tronc commun constitué de plusieurs stages de sensibilisation, puis d’un stage de sélection dans la branche choisie :
- Deux ans de stages (4 fois 5 jours par an) dans la branche haptopsychothérapie avec un mémoire à présenter 6 mois après la fin du stage.
- Un an de stages pour les soignants (kiné, médecins, infirmières) avec également un mémoire à présenter.
- Un an et demi de stages pour les personnes qui sont dans la périnatalité (sages-femmes, obstétriciens, et autres).
- Une nouvelle formation vient d'être ouverte aux enseignants.
Une plus grande liberté
L'haptonomie est un bon moyen de faciliter la rencontre et la relation avec les autres sans créer de dépendance et en offrant ainsi une plus grande liberté. Elle permet "d'aller beaucoup plus loin dans la relation, en sécurité, d'enlever du poids, de la culpabilité, de l'inquiétude. Et donc de faire davantage confiance à son inspiration. C'est cette richesse qui permet d'oser faire confiance au moment, à la rencontre authentique. Oser toucher l'autre et être touché, oser partager une émotion, un sentiment, un moment de vie".
En savoir +
La genèse de l'haptonomie
"L'haptonomie a commencé dans un wagon de déportation", raconte Hélène Sallez. "Frans Veldman avait 25 ans, il était étudiant en médecine. Il était dans ce wagon depuis trois jours et trois nuits et il avait contre lui une jeune fille qui était en train de mourir et qui appelait son père. Il l'a prise dans ses bras et l'a gardée ainsi jusqu'à ce qu'elle meure. 14 kilomètres avant Auschwitz, on a ouvert le wagon pour faire descendre les morts. Frans est descendu avec la jeune fille morte dans ses bras. Il l'a déposée au sol devant le soldat allemand. Il y a eu entre eux un échange de regards tellement fort, tellement profond… Frans a senti que le soldat ne ferait rien contre lui, il n'est pas remonté dans le wagon et le soldat l'a laissé partir. Il a fini la guerre caché chez un médecin en donnant des soins. Il avait senti quelque chose de tellement puissant qu'il a décidé de consacrer sa vie à essayer de comprendre ce qui s'était passé à ce moment-là. L'haptonomie est née de là. C'est une pédagogie de la réanimation de l'être, au sens de son âme humaine."