Des cosmétiques naturels et équitables

Des cosmétiques naturels et équitables

L'histoire d'Aïny débute par une histoire d'amour avec une jeune chamane équatorienne, se poursuit par une relation respectueuse avec le peuple amérindien et s'exprime sous la forme d'une entreprise de cosmétiques naturels, bio, éthiques, équitables... Daniel Joutard raconte son parcours atypique et passionnant.

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Sommaire

- Comment a commencé l'histoire d'Aïny ?
- Puis vous êtes rentré en France…
- Qu'est-ce qui vous a donné l'idée d'Aïny ?
- Pourquoi avez-vous choisi la cosmétique ?
- Vous avez alors créé la société ?
- Quand avez-vous lancé vos premiers produits ?
- Relation avec les producteurs locaux ?
- En quoi consiste ce contrat de partenariat ?
- Vous êtes contre les brevets ?
- Quelle gamme de produits ?
- Où les distribuez-vous ?
- Et maintenant vous proposez des massages…
- Quel conseil donneriez-vous aux jeunes ?

Aïny veut dire "réciprocité" et "esprit des êtres vivants" en quechua, la langue des gens qui habitent dans les Andes.
Daniel Joutard a découvert au cours de ses séjours répétés en Amérique Latine une vision magique du monde qu'il ne soupçonnait pas, une vision où tout est enchanté, tout a une âme, tout a un esprit. Mais il s'est rendu compte que "magie" et "science" sont souvent deux manières différentes de dire la même chose et qu'il y a la plupart du temps une correspondance entre les principes actifs qu'on trouve en laboratoire et l'usage ancestral qui est fait de la plante.
Aujourd'hui trois valeurs le guident dans son entreprise : la magie, la science, l'engagement...

Comment a commencé l'histoire d'Aïny ?
Daniel Joutard : En 1998, mon diplôme de l'ESSEC en poche, je suis parti travailler en Équateur dans une ONG liée au mouvement amérindien. J'ai rencontré là-bas une jeune personne en train de devenir chamane avec qui j'ai eu une relation et qui par la suite a été présente dans tous les grands moments de l'entreprise.

Puis vous êtes rentré en France…
DJ : De retour en France j'ai démarré dans le conseil en stratégie et organisation de l'entreprise, tout en gardant une attache profonde avec mon expérience équatorienne. Notamment je gérais l'ONG avec laquelle j'étais parti en Équateur. Par ailleurs j'avais et je continue à avoir une activité d'enseignant en marketing à l'université.

Qu'est-ce qui vous a donné l'idée de créer Aïny ?
DJ : Je retournais tous les ans pendant un ou deux mois en Equateur, Pérou ou Bolivie. Il m'est arrivé alors d'y souffrir d'affections assez sérieuses comme le mal de l'altitude ou de subir des accidents comme des foulures, des coupures… Ce sont les guérisseurs locaux qui m'ont soigné. Progressivement j'ai commencé à m'intéresser aux plantes qu'ils utilisent et à avoir envie de travailler avec. Compléments alimentaires ou cosmétiques ? Je ne savais pas encore.

Pourquoi avez-vous choisi la cosmétique ?
DJ : Parce que c'est le seul secteur où l'on peut travailler à la fois sur une histoire, sur le rêve et sur l'efficacité. Le parfum, vous êtes juste sur le rêve, le médicament juste sur l'efficacité. Ce qui a mis fin à mes hésitations c'est la rencontre avec Jean-Claude le Joliff, ancien directeur de la recherche de Chanel à qui j'ai raconté mon histoire et qui a immédiatement proposé de travailler avec moi.

Vous avez alors créé la société ?
DJ : Oui, fin 2006, Jean-Claude le Joliff en étant un des actionnaires. Nous avons créé notre propre laboratoire et embauché une ingénieure chimiste qui est devenue la responsable de ce laboratoire. Trois ans de recherches ont été nécessaires pour développer des actifs de plantes, les transformer en crèmes et rentrer dans les contraintes du cahier des charges bio. Notre but était de créer des produits agréables, efficaces et bio.

Quand avez-vous lancé vos premiers produits ?
DJ : Fin 2009. Nous avions gagné un prix coup de cœur en 2008 dans un salon de la cosmétique, Beyond Beauty, et en 2009 nous avons remporté le prix de la meilleure marque naturelle et bio.

Comment fonctionnez-vous avec les producteurs locaux ?
DJ : Le principe est de travailler avec le plus profond respect des gens qui nous ont apporté la connaissance des plantes. En plus de payer ces plantes à leur juste prix, nous avons signé avec l'organisation amérindienne qui représente la collectivité un contrat de partenariat.

En quoi consiste ce contrat de partenariat ?
DJ : Il fixe une liste de plantes autorisées, interdit de déposer des brevets et prévoit que l'organisation puisse donner un avis sur la qualité de la relation de Aïny avec la région. Pour rémunérer le droit d'utiliser le savoir collectif ancestral, nous lui versons 4 % du chiffre d'affaires de la marque. Par exemple pour 2010 nous avons versé une somme d'environ 4 000 €.

Quelle gamme de produits avez-vous développée ?
DJ : Des produits pour la prévention et la correction des signes de l'âge prématurés chez les femmes. Et nous ciblons plus précisément l'éclat du teint sur le visage.

Où les distribuez-vous ?
DJ : Nous nous sommes lancés au départ avec une logique de distribution très limitée parce que nous avons peu de volume : Mademoiselle Bio, Printemps, Beauty Monop… Aujourd'hui nous avons toujours les mêmes points de vente, qui se sont développés avec nous, en plus de notre site de vente en ligne.

Et maintenant vous proposez des massages…
DJ : C'est encore une nouvelle mutation. Nous proposons depuis peu des massages de bien-être selon des protocoles issus des rituels chamaniques des guérisseurs andins. Ces massages sont proposés dans une boutique rue Saint-Honoré et un hôtel au Cap Antibes. Et nous avons des projets avec des hôtels au Pérou.

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes qui veulent travailler dans ce secteur ?
DJ : De multiplier les expériences, faire plein de choses différentes…

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Ethique et équitable

Une rémunération de la valeur immatérielle
Pour Daniel Joutard, le principe du commerce équitable n'est pas suffisant dans le domaine de la cosmétique. Il permet de payer un prix juste et un produit de qualité mais pas de contribuer à une valeur immatérielle créée par tout un peuple et qui est un bien collectif.
Pour lui c'est une évidence, on ne se promène pas dans la forêt en cueillant n'importe quelle plante par hasard. On s'inspire des connaissances traditionnelles : une plante qui a une influence sur la cicatrisation peut avoir une influence sur les rides. Un chamane connaît jusqu'à 300 plantes différentes.

Daniel Joutard considère que c'est cette histoire qu'il exprime dans le marketing de sa marque. Il doit donc reconnaître cette valeur et donc non seulement payer la matière première à un prix juste au producteur mais en plus rémunérer cette valeur immatérielle.

Contre les brevets
La réflexion sur les brevets se situe dans la même logique. Pour lui, l'investissement de deux ou trois années de recherche en laboratoire ne vaut pas grand chose par rapport aux centaines d'années de travail collectif sur la plante. La question de la légitimité du brevet se pose : c'est uniquement parce qu'un laboratoire a les moyens financiers, les connaissances scientifiques et juridiques qu'il peut déposer un brevet. Grâce à cela, il peut finir par créer un véritable monopole sur la plante. Or le laboratoire est le dernier maillon d'une chaine d'innovation dont la majeure partie ne se situe pas chez lui.

Aïny a donc publié ses recherches dans le domaine public, ce qui empêche ses concurrents de déposer des brevets. Le système intéresse beaucoup l'administration péruvienne parce que c'est un moyen de valoriser les ressources du pays sans qu'elles soient privatisées.
On pourrait appliquer ce système à d'autres domaines : la mode, la musique, les arts…

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