Dominique Eraud : pour une écomédecine

Dominique Eraud : pour une écomédecine

Médecin, très active dans les ONG environnementales depuis les années 1980, Dominique Eraud se bat pour faire reconnaître à leur juste place les médecines alternatives et complémentaires qu'elle appelle "écomédecines".

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Sommaire

- Comment est née votre passion pour les MAC ?
- Puis vous vous êtes ouverte à d'autres disciplines…
- Ensuite : les thématiques environnementales…
- Vous avez ensuite participé à plusieurs ONG…
- Pensez-vous que cela peut changer le monde ?
- Vous arrivez à trouver du temps pour vous ?
- Pourquoi la marque "écomédecine" ?
- La médecine intégrative...
- Quelle place pour la médecine allopathique ?
- Vous êtes pour le libre choix thérapeutique ?
- Comment voyez-vous la médecine de demain ?

Juin, ciel bleu, coin de nature enchanteur avec vue panoramique sur les toits de la capitale… Au milieu des poiriers, des framboisiers et des plantes aromatiques, Dominique Eraud nous reçoit sur sa terrasse écolo (voir encadré) et a préparé une infusion de plantes fraichement cueillies. Médecin, acupunctrice, homéopathe, phytothérapeute, spécialiste en nutrition, elle revient sur sa vie et son engagement pour les médecines écologiques.

Comment est apparue votre passion pour les médecines alternatives et complémentaires ?
Dominique Eraud : Je faisais mes études de médecine et, en 6e année, mon père m'a proposé d'assister à la présentation de début d'année des professeurs de l'Association Française d'Acupuncture. Le soir même je me suis inscrite. Henri Eraud, mon père, avait créé dans les années 1950 le premier syndicat de médecins acupuncteurs de France. Pourtant il ne m'avait jamais incitée à choisir cette voie.

Puis vous vous êtes ouverte à d'autres disciplines…
D.E. : Dans le cadre des études d'acupuncture on étudie plus largement la médecine traditionnelle chinoise qui inclut des règles d'hygiène et de diététique, des pratiques manuelles (Tui Na, Qi Gong, Taiji Quan…) et une pharmacopée très riche, à base de plantes. J'ai ensuite cherché parmi les plantes européennes celles qui avaient des propriétés équivalentes aux plantes chinoises. J'ai eu aussi la chance de recevoir l'enseignement du bouddha des médecines par le lama Guendune, le médecin du Dalaï Lama, qui vivait dans le centre de la France. Il m'a fait découvrir dans la médecine tibétaine les intrications de l'écoute, de la méditation, de la phytothérapie…

Et puis, il y a eu la révélation des thématiques environnementales…
D.E. : Grâce à une patiente, j'ai rencontré il y a trente ans Philippe Desbrosses qui m'a fait réaliser l'évidence du bio. Je suis donc devenue avec lui membre fondateur de l'ONG Intelligence verte. Et par le bio, je suis arrivée à l'écologie.

Vous avez ensuite participé à plusieurs ONG…
D.E. : J'ai créé, avec des lanceurs d'alerte dans le domaine de la santé, la "Coordination nationale médicale santé environnement" (CNMSE). Nous avons fait partie des campagnes contre le vaccin H1N1, le bisphénol A, les gaz de schiste… Nous sommes membre fondateur du Réseau Environnement Santé avec WWF, Générations Futures et l'Appel de la Jeunesse. Je fais également partie de la Fondation Pierre Rabhi, de Solidarité Homéopathie qui soigne les gens dans le monde entier uniquement par l'homéopathie, l'acupuncture, la phytothérapie et l'ostéopathie. Je suis également membre du conseil d'administration du Dispensaire Hahnemann.

Pensez-vous que cela peut changer le monde ?
D.E. : Je crois vraiment à l'efficacité de la force citoyenne. J'étais à Rio+20 avec Edgar Morin et Philippe Desbrosses et nous avons entendu le ministre du Bhoutan dire qu'on peut faire basculer une société avec 20 % de la population. Actuellement nous représentons autour de 16 %. Moi j'avance pour gagner les 4 % ! Et je rencontre tous les jours des jeunes et des moins jeunes avec des projets formidables qui font avancer la planète, comme ma fille Clara qui a organisé le dépôt de 300 paniers bio dans une grande entreprise à Paris.

Vous arrivez encore à trouver du temps pour vous ?
D.E. : Je vais au minimum deux fois par semaine à la piscine, je pratique le jogging, je fais du yoga et de la méditation. Et je mange bio. Il est important pour moi de mettre en pratique ce que je propose aux autres. J'ai un emploi du temps minuté mais grâce à cela je peux faire plein de choses. Il suffit d'être dans le moment présent. C'est le grand art de la méditation qui nous l'apprend.

Pourquoi avez-vous déposé la marque "écomédecine" ?
D.E. : Nous trouvions que les appellations habituelles "médecines douces", "complémentaires", "alternatives", "naturelles" n'étaient pas adaptées. Or toutes ces médecines ont lien : l'écologie. Le terme est plus positif, il ne positionne pas "contre". Nous avons donc déposé le nom "écomédecine" en 1984. Mais il faut avancer, demain on sera dans la médecine intégrative. Il faut intégrer toutes les formes de médecines !

Comment voyez-vous cette médecine intégrative ?
D.E. : Dans une équipe de médecine intégrative, tous les thérapeutes sont au même niveau. On n'est plus dans une organisation pyramidale mais horizontale. Et le patient est au cœur du dispositif. Je suis en train de monter un centre en Bretagne. On pourra y faire des séjours d'une semaine. Les personnes auront à leur disposition différents thérapeutes : médecin, acupuncteur, homéopathe, nutritionniste, ostéopathe etc. Ils pourront faire du yoga. L'important est de pouvoir indiquer à la personne la technique dont elle a besoin à ce moment-là. Il y a des moments où on a besoin d'une technique plutôt que d'une autre.

Quelle place pour la médecine allopathique ?
D.E. : Elle a un rôle important : on a besoin de certains examens complémentaires, d'examens de sang, de chirurgie… Mais il faut être le moins interventionniste possible. La prise de pouls en médecine chinoise permet dans certains cas d'éviter des examens trop invasifs. Comme le dit Antoine Lazarus, qui a dirigé la fac de Bobigny pendant longtemps : environ 70 % des pathologies peuvent être soignées par des médecines naturelles. Pour les 30 % restant on a besoin de l'allopathie. Mais 70 % de patients traités par des méthodes non invasives pour le corps et pour la planète, c'est déjà énorme !

Vous êtes pour le libre choix thérapeutique ?
D.E. : Oui, mais il faut que les médecines écologiques soient abordables. Actuellement le libre choix thérapeutiques n'existe pas : il y a un problème de remboursement. Il y a une médecine pour les riches et une médecine pour les pauvres. Ce n'est pas acceptable.

Comment voyez-vous la médecine de demain ?
D.E. : Elle sera écologique : il est essentiel de prendre conscience des dégâts environnementaux dus aux médicaments que ce soit par les déchets des laboratoires, des hôpitaux ou même des particuliers par le biais des urines ou des médicaments non utilisés.
Nous sommes des citoyens de la planète. Il faut prendre conscience que tout ce qu'on fait est important. Il ne faut pas attendre qu'un gouvernement nous dise quoi faire. Mais je trouve qu'on avance ! Je vois apparaître un changement de paradigmes et un monde où les rapports humains sont différents. Un avenir glorieux, lumineux.

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La terrasse écologique de Dominique Eraud

Pouvez-vous nous parler de votre terrasse ?
D.E. : J'ai toujours aimé la terre, je suis petite fille d'agriculteur breton par mon père. Mais j'habite en plein centre de Paris. J'ai donc toujours eu des terrasses car, comme je travaille le samedi, ça me permet d'être à la campagne sans bouger de la capitale. J'ai actuellement la chance de disposer d'environ 100 m2 et j'ai décidé tout récemment de créer une "terrasse à manger" avec un potager, des plantes médicinales et des arbres fruitiers : abricotier, poirier, amandier, framboisier, fraisier...

En quoi est-elle écologique ?
D.E. : Camille Muller, qui est un paysagiste écolo, m'a beaucoup aidé. Je voulais une terrasse qui soit jolie. On peut faire bio et beau ! Je récupère l'eau de pluie du toit, j'ai mon compost, j'ai deux panneaux solaires qui alimentent l'arrosage automatique, l'éclairage le soir et un petit bassin. J'ai aussi une ruche et des arbres de variétés anciennes. Et évidemment, tolérance zéro sur les pesticides ! J'ai des euphorbes de Virginie dans le potager qui enlèvent les insectes, j'utilise du purin d'orties, de l'huile de Neem, du sang de bœuf desséché, des farines d'arêtes de poisson… Le dispositif permet l'autonomie alimentaire d'une personne neuf mois sur douze.

Cette terrasse a du succès, je crois…
D.E. : Elle est passée dans plein d'émissions de télé et les gens me téléphonent pour avoir des renseignements. Il y a une demande incroyable ! J'adore faire ma part de colibri…

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