Ils font souvent la une de l'actualité. Environ deux français sur trois sont inquiets de leur présence dans les produits alimentaires (sondage Ifop pour Dimanche Ouest-France, le 4 décembre 2011). Cette inquiétude est-elle fondée ? Les réponses de Christian Vélot, un scientifique spécialiste des OGM.
Sommaire
- Le seuil de 0,9 % n'a rien de scientifique
- Résidus de pesticides
- Risques d'allergies
- Résistance aux antibiotiques
- Perturbation du métabolisme
- Des études peu rassurantes
- Des études… qui manquent
Avec le nouvel étiquetage des produits prévu à partir de juillet 2012, nous allons enfin pouvoir faire notre choix. Allons-nous consommer ou non des produits contenant des OGM ?
Christian Vélot, maître de conférences en génétique moléculaire à l'Université Paris-Sud 11, nous conseille d’éviter. "C'est vrai pour les végétaux directs, les produits de transformation alimentaire mais aussi les produits issus d’animaux ayant consommé des OGM."
Pour lui, les risques pour la santé humaine sont probables, trop de questions restent à ce jour sans réponse et les récentes études n'ont rien de rassurant.
Le seuil de 0,9 % n'a rien de scientifique
"Il y a un progrès sur le plan de la traçabilité et on ne peut que se féliciter qu'on donne le choix au consommateur. Mais il faut savoir que, si 0,1 % est le seuil de détection, 0,9 % n'est pas un seuil sanitaire et ne correspond à aucune donnée scientifique. C'est un compromis politique entre les bios qui voulaient un seuil à 0 % et les semenciers qui le voulaient à 2 %, 3 % ou 5 %."
Résidus de pesticides
La plupart des OGM agricoles sont des plantes-pesticides, c'est à dire modifiées génétiquement soit pour produire un insecticide leur permettant de lutter contre un insecte ravageur soit pour pouvoir absorber un herbicide sans mourir (voir encadré). Dans les deux cas, ces plantes contiennent donc des résidus qui vont se retrouver dans la chaîne alimentaire de manière incontrôlée.
"Environ 80% des plantes OGM, comme le soja, absorbent un herbicide bien connu, le Round-up. Or il s'agit d'un perturbateur endocrinien avéré qui pourrait notamment expliquer les problèmes de grossesse observés chez des femmes d’agriculteurs de l’Ontario dans le cadre d’une étude américaine de 1997. Par ailleurs d’autres études, menées par l’équipe du professeur Belé du CNRS à Roscoff, laissent craindre des effets cancérigène du Roundup", précise Christian Vélot.
Risques d'allergies
Le scientifique détaille également les autres risques : "lorsqu'on introduit des gènes étrangers dans un organisme, on peut avoir des effets allergisants dus aux protéines codées par les transgènes."
Par exemple, il y a quelques années, on avait introduit un gène de l'albumine de la noix du Brésil dans du soja pour l'enrichir en soufre. On a obtenu un effet allergisant et ce soja transgénique n’a pu être commercialisé.
"Mais la plupart des effets allergisants sont des effets chroniques qui se manifestent donc sur le long terme et qui, par conséquent, ne pourront pas être observés dans le cadre des études toxicologiques officielles qui ne dépassent pas trois mois sur le rat".
Résistance aux antibiotiques
Une autre source d'inquiétude vient du fait que beaucoup d’OGM contiennent également un gène de résistance aux antibiotiques utilisé comme marqueur pour repérer les cellules ayant reçu le gène étranger. La présence de tels gènes dans la plante peut avoir des conséquences sur la chaîne alimentaire et sur l’environnement.
Perturbation du métabolisme
Par ailleurs on ne maîtrise par les problèmes liés à la perturbation du métabolisme due à la modification génétique. Par exemple certains poissons transgéniques géants (c’est-à-dire contenant un gène d’hormone de croissance modifié pour qu’ils grossissent plus vite et deviennent plus gros) ont la tête déformée, et le riz doré programmé pour produire du carotène est affecté dans sa production de vitamine E, chlorophylle et acide gobbérellique (une hormone de la plante).
Des études peu rassurantes
Des études récentes menées à l'Université de Caen sous la direction du professeur Gilles-Eric Séralini montrent que les protéines Bt, telle que celle produite par le maïs génétiquement modifié MON810, présentent une forte toxicité pour les cellules humaines.*
Les observations antérieures de la même équipe faites sur la base des informations issues de 19 études sur des mammifères nourris avec du soja ou du maïs OGM commercialisés font apparaître un dérèglement du fonctionnement du foie et des reins et une altération du rythme de croissance.**
Pourtant les évaluations officielles plaident pour l'innocuité de ces produits. Mais en 2007 et 2009, le Criigen (Comité de Recherche et d'Information Indépendantes sur le génie Génétique) a pu avoir accès aux données brutes des tests de plusieurs maïs Monsanto sur des rats et réaliser des contre-expertises***. Conclusion : l'innocuité de la plante est loin d'être prouvée.
"Ces tests montrent des différences entre les rats qui ont consommé des OGM et les rats qui n'en n'ont pas consommés. Notamment des différences liées au sexe. Or ces OGM contiennent des pesticides, et la plupart des pesticides étant connus pour être des perturbateurs endocriniens, il aurait donc été logique de faire des dosages hormonaux, et de réaliser des études à plus long terme, mais cela n'a pas été fait", regrette Christian Vélot.
Des études… qui manquent
"Aux Etats-Unis où l'animal et l'humain mangent régulièrement des OGM depuis 20 ans, il n'y a jamais eu aucun suivi systématique. Et ce suivi est rendu impossible par le fait que les filières agricoles (OGM et conventionnelle) sont mélangées. Il est fort regrettable que ces études n'aient pas eu lieu parce qu'aujourd'hui on serait en capacité d'avoir une vision plus précise des effets des OGM sur la santé."
En matière d'OGM alimentaires, il y a donc des questions qu'un esprit rationnel est en droit de se poser et sur lesquelles il n'y a pas de réponse satisfaisante pour l'instant.
Christian Vélot s'insurge : "on est dans une logique de techno-sciences approximatives, brouillons, mal évaluées. Non seulement on ne fait pas les recherches fondamentales préalables nécessaires, mais on ne fait pas non plus les évaluations qui s’imposent. Et pour couronner le tout, il y a un manque total de transparence lié au fait que les quelques études toxicologiques, déjà dangereusement insuffisantes, réalisées dans le cadre des évaluations officielles sont couvertes par le secret au nom de la protection industrielle. C’est d'autant plus scandaleux qu'il s'agit de santé publique."
Sources complémentaires :
*Wiley Analytical Science : Cytotoxicity on human cells of Cry1Ab and Cry1Ac Bt insecticidal toxins alone or with a glyphosate-based herbicide
**Actu-environnement : Des animaux nourris avec des OGM montrent des problèmes organiques
***National Library of Medicine : New analysis of a rat feeding study with a genetically modified maize reveals signs of hepatorenal toxicity
***International Journal of Biologial Science : A Comparison of the Effects of Three GM Corn Varieties on Mammalian Health
En savoir +
Les OGM agricoles, c'est quoi ?
Définition : un OGM (organisme génétiquement modifié) est un organisme vivant (micro-organisme, végétal, animal) ayant subi une modification non naturelle de ses caractéristiques génétiques initiales par ajout, suppression ou remplacement d'au moins un gène.
99 % des OGM agricoles qui existent actuellement sur la planète sont des plantes-pesticides.
Il s’agit soit :
- de plantes qu'on a rendues capables de produire un insecticide leur permettant de lutter contre un insecte ravageur (environ 20%).
Par exemple le maïs Bt, le coton Bt, la betterave Bt sont des plantes dans lesquelles on a introduit un gène de la bactérie du sol, Bacillus thuriugiensis, qui permet la production d’une protéine tueuse d’un ou plusieurs d'insecte(s) ravageur(s).
- de plantes qu'on a rendues capables d'absorber un herbicide sans mourir (environ 60 %).
Par exemple le soja au Round-up (un herbicide à large spectre dont le principe actif chez les plantes est le glyphosate) est un soja transgénique devenu insensible à cet herbicide. Mais celui-ci continue à pénétrer dans la plante et peut donc s’y accumuler.
- de plantes qui réunissent les deux propriétés pesticides (environ 20%).
Parmi les autres pistes d'expérimentation en cours :
- les plantes à valeur nutritive modifiée, enrichies en vitamines ou fabriquant de meilleures graisses : par exemple le riz doré enrichi en carotène ;
- les animaux "dopés" en vitesse de croissance et en taille (poisson géant, porc géant) ;
- les plantes résistantes à des maladies virales (tabac, courge, poivron, vigne…) par vaccination génétique.