Pesticides : les SDHI, une nouvelle menace sur notre santé ?

Pesticides : les SDHI, une nouvelle menace sur notre santé ?

Une nouvelle génération de fongicides, les SDHI, largement utilisés dans l'agriculture conventionnelle, auraient des effets toxiques sur la santé des vers de terre, des abeilles et… de l'homme.

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Sommaire

- Contre les champignons
- Utilisation massive
- Un impact sur d'autres êtres vivants
- Lanceurs d'alerte
- Une méthode d'évaluation dépassée
- Ce n'est pas la dose "qui fait le poison"
- Conflits d'intérêts
- Que faire ?

Ils sont peu connus du grand public. Pourtant les SDHI, commercialisés sous différentes marques (voir encadré), sont utilisés à grande échelle en agriculture depuis plusieurs années.

Contre les champignons
Ce sont des fongicides, destinés à éliminer champignons et moisissures indésirables sur certaines cultures. Leurs ancêtres ont été pulvérisés ponctuellement entre les années 1960 et 1990. Les molécules de nouvelle génération sont apparues en France en 2006 et leur usage se généralise depuis 2013.

Utilisation massive
Aujourd'hui, ils sont épandus sur une majeure partie des surfaces agricoles "dont près de 80 % des surfaces de blé, presque autant d'orge, sur les arbres fruitiers, les tomates, les pommes de terre"*, explique Fabrice Nicolino, journaliste et cofondateur du mouvement antipesticides "Nous voulons des coquelicots".
On utilise ces produits sur de nombreux fruits et légumes (carottes, poireaux, salades, raisins, fraises, pommes, melons…) et sur les pelouses des terrains de foot.

L'industrie phytosanitaire en a fait son nouveau cheval de bataille et prévoit un quadruplement du marché mondial entre 2018 et 2023.*

Un impact sur d'autres êtres vivants
Les SDHI ont la faculté de ralentir voire stopper le processus biologique de la chaîne respiratoire des champignons indésirables. Problème : et si ces substances s'attaquaient également à d'autres organismes vivants voire même à l'être humain ? Les études en laboratoire de neuf scientifiques de haut niveau répondent par l'affirmative à cette question. Ils sont cancérologues, médecins, toxicologues, ils travaillent sur les maladies mitochondriales à l'Inserm, au CNRS et à l'INRA. Selon eux, l'impact est avéré sur les vers de terre, les abeilles et… sur l'homme.

Lanceurs d'alerte
Après avoir tenté d'alerter les autorités de santé, ces neuf chercheurs ont publié dans le journal Libération, le 15 avril 2018, une tribune pointant les risques des SDHI pour la santé humaine : mort des cellules causant de graves encéphalopathies ou prolifération incontrôlée de cellules à l’origine de cancers. La toxicité de ces molécules sur l’homme à long terme n’ayant pu être encore sérieusement étudiée, ils demandent logiquement de suspendre l’utilisation de ces fongicides.

Questionnée, l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) a pris de haut la démarche de ces nouveaux lanceurs d'alerte et mit sept mois à rendre son rapport. Selon ce dernier : "les informations et hypothèses évoquées n’apportent pas d’élément en faveur d’une alerte sanitaire pour la santé humaine et l’environnement en lien avec l’usage agricole de ces fongicides qui pourrait justifier la modification ou le retrait des autorisations de mise sur le marché".

Une méthode d'évaluation dépassée
Fabrice Nicolino conteste la méthode d'évaluation de l'Anses qui lui semble dépassée pour au moins trois raisons.
La première est que l'agence ne prend aucunement en compte dans ses tests la dimension épigénétique. De nombreux chercheurs pensent en effet que les mécanismes épigénétiques peuvent être la cause de cancers ou de maladies graves (voir : Épigénétique, le pouvoir de l'environnement sur notre santé). L'Anses reste sur l'ancienne conception selon laquelle l’ADN ne peut connaître des variations que par le biais de mutations et les cancers ne peuvent donc être que l’expression de ces mutations génétiques.

Deuxième raison : elle ne prend pas en compte les effets cocktail mis en lumière depuis quelques années et qui résultent d'une exposition concomitante à différentes molécules (voir : Éviter l'alimentation industrielle ?).

Ce n'est pas la dose "qui fait le poison"
Enfin L'Anses utilise le raisonnement qui prévaut depuis la 2de Guerre Mondiale en matière de toxicologie et qui remonte à un scientifique du 16e siècle, Paracelse, selon lequel "ce serait la dose qui fait le poison". Elle fonde ainsi ses analyses sur la validité de la notion de DJA (Dose Journalière Autorisée). Or on sait depuis une vingtaine d'années, notamment grâce à l'étude des perturbateurs endocriniens, que cette validité a volé en éclat (voir : Perturbateurs endocriniens, quels enjeux ?).

Conflits d'intérêts
C'est l'Anses qui délivre les autorisations de mise sur le marché des substances comme les SDHI. Elle se trouve donc dans une situation inconfortable lorsqu'il s'agit de reconnaître la dangerosité d'un produit qu'elle a elle-même autorisé. Fabrice Nicolino s'étonne à juste titre qu'on puisse ainsi mélanger les genres dans les missions qui sont confiées à l'agence.

Sur les conflits d'intérêts, le journaliste est sévère. Il questionne notamment la composition du comité d'experts chargé de recevoir les auteurs de la tribune du 15 avril 2018 : on n'y trouvait aucun spécialiste des maladies évoquées par les lanceurs d'alerte mais des toxicologues peu spécialisés dans la question et une scientifique ayant des liens d'intérêts déclarés avec l'industrie qui commercialise les SDHI. Or, selon les règles de la déontologie, un expert ne peut participer à un débat portant sur un secteur avec lequel il possède des liens d'intérêts.

Que faire ?
Le tableau que brosse Fabrice Nicolino est extrêmement sombre quant à la forte consanguinité entre l'industrie des phytosanitaires et les organismes mondiaux de régulation et de réglementation de santé. Les SDHI seraient, selon lui, en passe d'envahir le monde.

Même si, dans son livre, le ton polémique et militant affaiblit parfois la rigueur de la démonstration du journaliste, force est de constater que quelque chose ne tourne pas rond. La protection du citoyen devient de plus en plus fragile dans notre pays. Alors que faire ? Consommer bio, résolument, bien sûr. Voter aux différentes élections pour les responsables politiques qui seront les mieux placés pour rétablir la notion d'intérêt général dans les organismes censés protéger la santé des citoyens. Et pour ceux qui ont l'âme militante, s'engager. C'est ce que privilégie Fabrice Nicolino.*

 

Source :
*Le crime était presque parfait, L'enquête choc sur les pesticides et les SDHI, Fabrice Nicolino, éditions Les Liens qui Libèrent

 En savoir +

SDHI : Succinate DeHyrogenase Inhibitor

SDHI, en français : inhibiteur de la succinate déshydrogénase.

L'action de la SDHI consiste à inhiber l'activité de l'enzyme SDH (Succinate DésHydrogénase), ce qui bloque la chaîne respiratoire des cellules. Problème : la SDH est présente dans presque la totalité des êtres vivants.

11 substances actives SDHI sont autorisées en France.

Elles sont commercialisées sous plusieurs marques comme par exemple : boscalid, fluxapyroxad (BASF), bixafen, fluopyram, penflufen (Bayer), isopyrazam, sedaxane (Syngenta), penthiopyrad (DuPont).

46 produits sont composés en partie de SDHI.

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