Covid-19 : confinement et santé mentale

Covid-19 : confinement et santé mentale

Les effets négatifs du confinement décrété en mars et avril 2020 auraient largement dépassé ses effets positifs. Les conséquences pour la santé mentale des Français, notamment, risquent de s'inscrire dans la durée.

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Sommaire

- Des effets positifs
- Traumatismes dans la durée
- Un quotidien bouleversé
- Premier problème : le grignotage
- Pas égaux devant le confinement
- Les meilleures stratégies
- Un facteur de stress
- Éviter le confinement à l'avenir

Les mesures anti-Covid peuvent être évaluées à l'aune du rapport entre leur efficacité sur la circulation du virus et les effets délétères induits. À l'image des médicaments, on peut parler d'une balance bénéfice-risque. Avec un peu de recul et au vu d'une enquête approfondie, la balance bénéfice-risque du confinement décrété en mars-avril dernier s'avère largement défavorable, selon Nicolas Franck, psychiatre*.
"On peut s'attendre au développement d'un très grand nombre de troubles anxieux généralisés et de dépressions. Les structures de psychiatrie et de santé mentale risquent donc d'être très sollicitées dans les mois et les années à venir."

Des effets positifs
Nicolas Franck ne nie pas les effets positifs de ce confinement. Ce dernier a contribué avant tout à la réduction de la transmission du virus. Il a pu contribuer également à remettre en cause un esprit de compétition stérile, décider certains à prendre soin d'eux-mêmes et à se tourner vers les autres. On peut aussi espérer qu'il nous rendra à l'avenir plus respectueux de notre environnement.

Traumatismes dans la durée
Mais, selon lui, le coût psychologique a été particulièrement important et aura des répercussions dans la durée.

C'est ce qui a été déjà constaté après l'épidémie de SRAS, en 2003. Une étude a montré que les personnes confinées gardaient la crainte d'attraper la maladie ou de contaminer les autres pendant les semaines qui suivirent le déconfinement :
- 54 % évitaient ceux qui toussaient ou éternuaient,
- 26 % évitaient les lieux clos et surpeuplés,
- 21 % évitaient tous les espaces publics.

La première étude consacrée aux conséquences de l'épidémie de Covid-19 en termes de troubles mentaux est une étude chinoise réalisée entre le 31 janvier et le 2 février 2020. Selon elle, 48,3 % des Chinois auraient été touchés par une dépression (contre 6,9 % en temps normal) et 22,6 % auraient dépassé le seuil diagnostique d'anxiété (contre 7,6 % en temps normal). En cause, selon les auteurs de l'étude : les messages pessimistes des réseaux sociaux et les contraintes liées au confinement.

Un quotidien bouleversé
En France les effets du confinement ont été contrastés. Le quotidien de chacun a été bouleversé : travail, lien avec les proches, loisirs… Il a été particulièrement difficile de mener conjointement télétravail, école à la maison et taches ménagères. Les personnes seules ou en quarantaine ont été confrontées à l'ennui et à l'isolement. Quant aux professionnels de santé, ils ont été exposés à des facteurs de stress supplémentaires en raison de leur exposition à la maladie et des conditions d'exercice de leur métier devenues particulièrement difficiles.

Premier problème : le grignotage
L'enquête de l'équipe de Nicolas Franck a été réalisée en ligne, pendant toute la durée du confinement, auprès de plus de 20 000 personnes.
Selon elle, la principale difficulté rencontrée par les Français pendant le confinement a été le grignotage (pour 39 % des sondés). Certains comportements se sont modifiés et 69 % des personnes interrogées ont vu augmenter leur consommation d'écrans, 36 % leur consommation d'aliments gras, 19 % celle de café, 18 % celle d'alcool. Entre 7 et 10 % des sondés ont augmenté et perdu le contrôle de leur consommation de tabac, d'alcool et de cannabis.

Enfin l'absence d'échéance a augmenté le stress.
"Le fait de ne pas connaître la durée du confinement, qui a été régulièrement prolongé, a aggravé la contrainte en ôtant la possibilité d'exercer un contrôle sur le fait de planifier le déconfinement", affirme Nicolas Franck.

Pas égaux devant le confinement
Les Français n'ont pas été égaux devant cette épreuve : un meilleur bien-être était associé au fait d'être un homme, d'avoir un partenaire, d'être plus instruit, d'avoir un logement spacieux avec accès à l'espace extérieur, d'aller travailler ou télétravailler, de pratiquer une activité physique, de bénéficier de contacts sociaux fréquents (par téléphone ou SMS). À l'inverse, un bien-être plus faible était associé au fait d'habiter en ville, dans une petite surface, d'être seul ou d'avoir un enfant de moins de dix ans.

Les meilleures stratégies
Pour minimiser les effets délétères du confinement, chacun a plus ou moins réussi à mettre en place des stratégies de résistance. Celles qui ont été les plus payantes ont été, selon Nicolas Franck :
- la mise en place d'une organisation du quotidien qui préserve les rythmes biologiques,
- le maintien d'une activité physique et des contacts sociaux réguliers,
- le fait d'accepter en conscience les frustrations avec l'objectif de freiner la contagion et de préserver la communauté.
(Voir : Covid-19, comment réagir face à sa peur ? et Crise du Covid-19, vivre avec l'incertitude)

Un facteur de stress
"Au total le confinement a joué le rôle d'un facteur de stress", explique Nicolas Franck (voir encadré) qui évoque même une détresse psychologique. "Il a altéré le bien-être de la population française, touchant plus fortement les étudiants, les personnes en invalidité et celles qui vivent dans les conditions les plus modestes."
Nous risquons donc d'assister à une augmentation des troubles anxieux généralisés et des dépressions, ainsi qu'à une aggravation de la pathologie de celles et ceux qui présentaient déjà des troubles au départ.

Éviter le confinement à l'avenir
Parmi toutes les mesures de santé publique visant à réduire la transmission d'une maladie infectieuse, le confinement est donc à éviter.
"Son impact psychologique sur les personnes qui le subissent est considérable. Il est donc crucial de privilégier dans l'avenir le recours aux autres mesures et d'éviter le confinement tant que faire se peut, si le même virus était amené à se répandre à nouveau ou si devait apparaître un autre agent infectieux pourvoyeur de formes sévères ou létales sur lequel aucun traitement efficace n'est disponible."

 

* Chef de pôle au centre hospitalier Le Vinatier et responsable d’enseignement à l’université Claude Bernard à Lyon.

Source :
**Covid-19 et détresse psychologique, Pr Nicolas Franck, éditions Odile Jacob

 En savoir +

 Stress et troubles mentaux

Les effets du stress ne sont pas les mêmes selon sa durée.
On distingue trois étapes :
- la phase d'alarme qui peut entraîner une sidération,
- la phase d'adaptation et de résistance qui se traduit par une réduction des difficultés initiales,
- la phase d'épuisement où peuvent apparaître des complications (si le stress se prolonge trop et que les capacités d'adaptation de l'organisme sont dépassées).

Le stress a été reconnu comme pouvant causer ou favoriser :
- troubles de l'humeur,
- troubles anxieux,
- maladies cardiovasculaires,
- désordres métaboliques,
- pathologies auto-immunes et inflammatoires,
- troubles musculo-squelettiques…

Certains troubles mentaux sont associés au stress :
- troubles anxieux et dépressions,
- troubles mentaux sévères (troubles du spectre de la schizophrénie, troubles bipolaires, formes sévères de troubles de la personnalité),
- troubles de la personnalité (notamment la personnalité borderline),
- troubles du spectre de l'autisme.

Le stress se manifeste dans la vie affective, sociale et professionnelle. Chacun peut être concerné par ses effets.

Vie Saine et Zen