Stress au travail : les réponses de Serge Hefez

Stress au travail : les réponses de Serge Hefez

Quand la pression devient trop forte sur l'individu et que certains indicateurs psychologiques viennent l'alerter, la meilleure solution est de se battre et de préférence collectivement, selon Serge Hefez.

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Sommaire

- Une définition partielle
- Pression sur l'individu
- Des indicateurs psychologiques qui devraient nous alerter
- Le maillon faible
- Solution : se battre
- Faire baisser la pression au quotidien

En France, il y aurait un suicide par jour imputable au stress dans le monde du travail (300 à 400 suicides par an, selon les chiffres de juin 2008 du Conseil économique et social).
Où commence le stress au travail et comment peut-on le gérer ? Nous avons posé la question à Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste.

Une définition partielle
L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail définit le stress "lorsqu’un déséquilibre est perçu entre ce qui est exigé de la personne et les ressources dont elle dispose pour répondre à ces exigences".

Serge Hefez considère que la définition est partielle et donc inexacte. Le stress serait pour lui : "l’effet d’une force, d’une pression intériorisée réelle ou imaginaire exercée de l'extérieur par un groupe ou un individu et qui pèse sur un autre groupe ou individu. C'est presque une donnée mécanique physique, un peu comme une force thermodynamique. Cette pression en arrive à altérer ou modifier la conscience que l’on a de soi, ce Surmoi, cette réalité psychique qui pèse sur le Moi. On en vient à se juger soi-même comme inapte ou incapable d’exercer son métier, de se projeter dans un avenir. Ça peut être le début de la dégringolade, de l'installation dans une dépression."

Pression sur l'individu
Pour Serge Hefez, il est important de ne pas confondre la stimulation de groupe et le stress exercé sur un individu.
"Un entraîneur sportif, un animateur de force de vente ou un chef de service agressif peut exercer toutes les pressions qu’il veut sur un groupe dont il a la charge. Ce stress induit sera digéré et géré par le groupe. Le groupe va s’autoréguler par la parole, l'entraide, la communication, l’échange."
Mais si cette pression s’exerce sur un individu seul ou isolé, le stress devient un poison intérieur et agit comme un paralysant.
"C’est, je pense, ce qu'il s'est passé à France Télécom. On est passé d'une logique de management groupale à un politique de gestion et d'obtention de résultat individuel."

Des indicateurs psychologiques qui devraient nous alerter
Face à une tension professionnelle, il se peut qu'on retourne la situation contre soi-même et qu’on se dise "je n’y arrive plus, je suis trop bête, je ne suis pas capable, c'est trop difficile pour moi, je n'y arriverai jamais…" Peuvent s’installer ensuite : tristesse, morosité, repli, dépréciation de soi.

"C’est le retournement contre soi de cette pression venue de l'extérieur qui peut conduire à son expression ultime et désespérée : le geste suicidaire."

Le maillon faible
Malheureusement nous ne sommes pas égaux devant le stress au travail. Il y a des victimes idéales : paradoxalement les personnes qui ont toujours bien fait leur travail au nom d’une certaine éthique personnelle, d’un amour du travail bien accompli, qui ont foi et confiance en leur entreprise.
"La remise en cause personnelle leur fait l’effet d’une déflagration, d’un désaveu injuste et incompréhensible. Ceux qui prennent moins leur travail à cœur ou qui n'ont pas cet engagement personnel vis-à-vis de leur entreprise s’en sortiront mieux."

Solution : se battre
Face à la très ancienne technique de manipulation "diviser pour mieux régner", la réponse se trouve au sein du groupe de travail. Les amis ou le conjoint ne sont pas d'un grand secours.
Pour Serge Hefez, la meilleure solution est de se battre collectivement : "se battre au sein du groupe pour soi et par le groupe en manifestant pour soi-même et pour les autres un discours et des actes solidaires. Ne pas se battre c'est le premier pas vers l'autodestruction."

Faire baisser la pression au quotidien
Le yoga, le stretching ou les massages peuvent apporter un soulagement. Mais cela risque de ne pas résoudre le problème de fond.
"Il faut plutôt renforcer ou recréer le lien social, ce qu’on appelle "se serrer les coudes", en activant un esprit de confiance plus fort avec ses collègues. Parler avec tous les autres membres du groupe. Mettre en œuvre des moyens d'entraide et d’alerte, par le management, les syndicats, les délégués du personnel, les relais habituels de l'entreprise ou demander un entretien en tête-à-tête avec son responsable pour discuter sur la façon de procéder avec laquelle on n’est pas d'accord. Bref, dire, parler, contester, s’opposer, appelez cela comme vous voulez, mais surtout communiquer. Travailler c'est vivre ensemble."

 

Sites et numéros utiles :
Infosuicide.org
SOS Suicide Phénix
Suicide Écoute
SOS Dépression : 0 890 88 89 89

 En savoir +

Un problème de santé qui coûte cher

- Le stress professionnel est le troisième problème de santé au travail, après le mal de dos (29 %) et les troubles musculo-squelettiques (28 %).

- Le stress au travail aurait provoqué en 2002 plus de 50 % de l’absentéisme.

- Le coût du stress professionnel en France est compris entre 900 millions et 1,6 milliards d’euros (INRS).

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