Microbiote intestinal et immunité

Microbiote intestinal et immunité

Au cœur de notre immunité, le microbiote intestinal joue un rôle essentiel. Le renforcer permettrait de lutter efficacement contre les infections virales et bactériennes.

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Sommaire

- Un organe à part entière
- Impliqué dans de nombreuses maladies
- Au cœur du système immunitaire
- Lutter contre les infections respiratoires
- Prendre soin de son microbiote
- De nombreuses pistes de traitement

Depuis une petite vingtaine d'années, nous savons que nous avons dans notre corps plus de cellules microbiennes que de cellules humaines (voir : L'intestin, un rôle stratégique pour notre santé).
"Nous sommes des êtres mosaïques avec des cellules humaines mais aussi des cellules microbiennes", explique Harry Sokol, professeur en gastroentérologie à l’Hôpital Saint-Antoine AP-HP (Paris), spécialisé dans les maladies inflammatoires de l’intestin. "On pense aujourd'hui qu'il y a autant de bactéries dans l'intestin que de cellules dans notre corps. Il y a aussi d'autres types de micro-organismes : des champignons, des virus, des parasites et encore bien d'autres choses à découvrir."*

Un organe à part entière
Ces micro-organismes sont adaptés à l'homme et se sont développés avec lui depuis la nuit des temps. Dans l'écrasante majorité des cas, ils jouent un rôle bénéfique.

Les scientifiques considèrent aujourd'hui que le microbiote intestinal constitue un organe à part entière qui exerce un grand nombre de fonctions ayant un effet sur l'ensemble de notre organisme :
- fonctions métaboliques (comme la production de certaines vitamines),
- dégradation de produits chimiques ingérés de manière involontaire (comme les toxiques présents dans l'environnement ou dans l'alimentation) ou volontaire (comme les médicaments),
- digestion des fibres alimentaires,
- effets sur l'immunité,
- protection de l'intestin en faisant barrière contre les bactéries infectieuses,
- effets directs sur le fonctionnement du cerveau.

Impliqué dans de nombreuses maladies
"Il est donc logique qu'une altération de ce microbiote puisse jouer un rôle dans les maladies, à des degrés divers", affirme Harry Sokol. "Il y a un grand nombre de maladies dans lesquelles on pense que le microbiote est impliqué : obésité, diabète de type 1, maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, certains cancers comme le cancer colorectal et certaines maladies psychiatriques."*

Au cœur du système immunitaire
L'intestin est le premier organe immunitaire de notre organisme. 75 % de notre système immunitaire y est localisé.

Les expérimentations sur l'animal montrent que, sans microbiote, on a un système immunitaire quasiment inexistant.
Chez l'homme, on a retrouvé des molécules microbiennes dans la moelle osseuse, le siège de l'immunité. "Ces molécules jouent un rôle pour la maturation et la stimulation de l'immunité de notre corps dans son ensemble."*

Lutter contre les infections respiratoires
En pleine période de pandémie de Covid-19, on peut légitimement s'interroger sur le rôle du microbiote intestinal dans la maladie.

Selon Harry Sokol, un bon microbiote influe favorablement sur la manière avec laquelle on va se défendre contre les infections respiratoires, notamment celles qui sont dues à la grippe.
"Il a été montré que des molécules produites par notre microbiote intestinal, en l'occurrence les acides gras à chaînes courtes produits par la dégradation des fibres alimentaires, circulent dans notre corps, atteignent le poumon, activent les cellules immunitaires et permettent d'optimiser leur réponse contre les infections virales et bactériennes. Non seulement elles vont activer l'immunité mais vont aussi permettre d'en éviter une sur-activation qui serait délétère, comme les sur-inflammations qu'on constate dans les cas grave de Covid-19."*
Certains travaux en cours cherchent à déterminer si cet "orage cytokinique", cet emballement de l'immunité innée dont on a beaucoup parlé dans les médias, aurait pour origine un problème de porosité intestinale.

Le lien entre microbiote intestinal et Covid-19 en est encore au stade de la recherche, regrette Harry Sokol (voir encadré).
Ce qui est certain, au regard des connaissances actuelles, c'est qu'un microbiote en bonne santé est le gage d'une bonne immunité.

Prendre soin de son microbiote
Alors comment prendre soin de ce précieux microbiote intestinal ? Les experts sont unanimes : la meilleure manière est de faire attention à son alimentation.
Harry Sokol donne deux grands conseils très simples :
- privilégier les fruits et légumes en grande quantité et en grande diversité (voir : L'alimentation antioxydante),
- éviter les produits ultra-transformés car ils contiennent des molécules qui agressent notre microbiote (voir : Éviter l'alimentation industrielle ?).
"Le microbiote se nourrit en grande partie de ce que nous-mêmes nous mangeons."*
(Voir aussi : Bien nourrir son microbiote intestinal avec les prébiotiques et Aliments fermentés, du vivant dans l'assiette !)

De nombreuses pistes de traitement
L'amélioration du microbiote par des traitements à base de probiotiques est une piste qui s'est avérée décevante, pour l'instant.
La transplantation fécale suscite en revanche beaucoup d'espoirs.
"C'est un traitement miraculeux dans une indication : l'infection par la bactérie Clostridium difficile."* (Voir : La transplantation de selles). En dehors de cette indication, il existe des recherches dans de très nombreux domaines (voir : Microbiote intestinal, une révolution pour la médecine ?).

"On a des résultats encourageants dans les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin comme la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique ou le syndrome de l'intestin irritable. De nombreux essais sont en cours dans un champ très large : cancers, maladies hématologiques, neurologiques ou articulaires…"*

 

Source :
*Microbiote et immunité, conférence du 3 octobre 2020 organisée par le Laboratoire Pileje

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 Microbiote intestinal et Covid-19

Les scientifiques ont fait un certain nombre de constats :
- le microbiote s'altère quand une personne est atteinte de la maladie ;
- certaines comorbidités qui augmentent les risques de formes graves, comme l'obésité ou le diabète, s'accompagnent d'un déséquilibre du microbiote.

Une étude française très récente montre que, dans 10 à 15 % des cas d'infections très sévères voire fatales, on retrouve un défaut génétique de l'immunité qui empêche de fonctionner certaines molécules très importantes pour la réponse contre les virus.

"Quelques travaux préliminaires suggèrent que l'état du microbiote avant l'infection pourrait conditionner la gravité de la maladie. Mais on est encore au conditionnel sur cette question"*, explique Harry Sokol.

Un essai clinique appelé "Covibiome", financé en grande partie par la fondation de l'AP-HP, a été lancé en 2020.
Il consiste à récolter des échantillons de selles chez des patients à différents stades de l'infection du Covid-19 et avec différents types de gravité d'infection.
Objectif : caractériser les modifications du microbiote au cours de l'infection mais aussi déterminer si, en fonction du microbiote, on peut prédire si un patient va faire une forme grave ou bénigne.
"On espère que les résultats vont nous guider vers des interventions sur le microbiote pour améliorer la prise en charge des patients."*

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