Les produits laitiers seraient-ils "nos amis pour la vie" ? La pub préconise d'en consommer trois à quatre par jour. Officiellement il s'agirait donc d'un atout santé et minceur. Le problème c'est que, parmi les scientifiques, cette question est loin de faire l'unanimité…
Sommaire
- Les recommandations officielles
- Ce dont on est sûr…
- Ce qui divise les experts
- En cause : l'alimentation des vaches
- Ce qui fausse le débat
- Quelle est la dose optimale ?
- Privilégier le bio
- Consommer avec modération
Du latin lac ou lactis, le lait est dans notre culture un symbole de pureté, de volupté, d'abondance et de richesse.
Les recommandations officielles
Selon le PNNS (Programme National Nutrition Santé), il faut manger "3 produits laitiers par jour et jusqu'à 4 pour les enfants, les ados et les personnes âgées."
Sont exclus :
- la crème fraîche et le beurre : trop riches en graisses et pauvres en calcium,
- les fromages à pâte "dure" : trop riche en graisses,
- certains fromages comme la féta ou le roquefort : trop salés,
- les desserts lactés (crèmes desserts, flans…) : trop sucrés,
- le chocolat au lait : trop sucré et trop gras.
Donc la messe est dite ? Pas si simple. En réalité les scientifiques ont des avis très divergents. Entre ceux pour qui le lait est l'aliment santé essentiel et ceux pour qui il est un poison absolu, toute les nuances existent.
Ce dont on est sûr…
À peu près l'ensemble de la communauté scientifique s'entend sur un certains nombre de points.
- Le lait est un aliment santé : c'est un fait, le lait est très riche en calcium, en phosphore, en vitamine B2, B12 et D. Il est riche en sélénium, en vitamine A et B5.*
- Mais on peut se passer du lait : c'est ce qui se passe pour environ 75 % de l'humanité qui vit sans lait et qui est même intolérant au lactose : presque 100 % des Asiatiques, 60 à 80 % des Noirs, des Juifs ashkénazes ou des Latino-américains, de 2 à 22 % des Blancs européens ou américains.*
- Il y a d'autres sources de calcium. On ne peut pas affirmer que le calcium des autres sources soit moins bénéfique que celui du lait :
- eau minérale,
- légumes : persil, cresson, soja, épinards, brocolis, choux-fleurs, céleri en branche, navets, haricots secs, haricots blancs, pois chiches,
- fruits à coque : noisettes, amandes, pistaches…
- céréales : orge, germe de blé, semoule…
- fruits secs : figues sèches…
- poissons et fruits de mer : crevettes, sardines fraîches, algues…
- L'exercice physique joue un rôle important : il ne faut pas se focaliser uniquement sur le calcium pour améliorer sa densité osseuse. Les activités physiques jouent également un rôle bénéfique. Les plus intéressantes de ce point de vue sont celles qui occasionnent un impact sur les os : marche, course à pied, danse, ski, football, tennis… Et il est bon de varier les sports.
Ce qui divise les experts
Au delà de ces constats, on assiste à un débat d'experts dont les positions semblent inconciliables : le lait augmente-t-il ou diminue-t-il les risques d'ostéoporose, de diabète, de cancer ? Une surconsommation serait-elle nuisible ou bénéfique ?
Sur cette dernière question, les uns considèrent que, plus on en ingère, plus on renforce nos os et plus on mincit.
Pour les autres, une surconsommation de lait ou de produits laitiers n'apporte pas de bienfaits supplémentaires et pourrait même avoir des effets nuisibles : à partir de 3, 4 ou 5 portions par jour variable selon les individus.
Si l'on adhère à la deuxième catégorie et qu'on veut limiter sa dose quotidienne, il faut se rappeler qu'on trouve du lait dans beaucoup de produits transformés : desserts, glaces, produits de boulangerie, charcuteries, soupes, sauces, tartinades, boissons, aliments pour sportifs, substituts de repas, suppléments liquides, puddings, barres de céréales...
En cause : l'alimentation des vaches
Sur le sujet du cancer, David Servan-Schreiber met en cause l'alimentation des vaches : "à partir des années 50 la demande pour les produits laitiers et la viande de bœuf a tellement augmenté que les éleveurs ont dû contourner la contrainte du cycle naturel de production du lait et réduire l'espace d'herbage nécessaire pour nourrir un bovin de 750 kg. Les pâturages ont donc été abandonnés au profit de l'élevage en batterie. Le maïs, le soja et le blé, qui constitue désormais l'alimentation principale des bêtes ne contiennent quasiment pas d'oméga-3. Ils sont en revanche très riches en oméga-6."**
Or on sait aujourd'hui que l'excès d'acide gras oméga-6 joue un rôle dans l'épidémie de cancer ainsi que dans le développement de l'obésité, des maladies cardio-vasculaires et probablement de la maladie d'Alzheimer (voir : Matières grasses : les bonnes et les mauvaises).
Ce qui fausse le débat
Deuxième industrie agro-alimentaire en France derrière celle de la viande, l'industrie laitière a fait en 2008 un chiffre d'affaires de 22,6 milliards € pour 22,3 milliards de litres de lait collectés. Lactalis, Danone et Bongrain font partie des 20 premières entreprises mondiales.
Les intérêts financiers en jeu sont énormes et beaucoup d'observateurs expliquent l'exagération des vertus du lait par l'influence de l'industrie laitière. C'est le cas de Thierry Souccar qui, dans son livre Lait, mensonges et propagandes, fait un réquisitoire implacable contre les arguments des industriels et des nutritionnistes. Il dénonce le fait qu'à l'AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) : "20 des 29 experts en nutrition sont liés à l'industrie laitière !".
Quelle est la dose optimale ?
Alors que faire ? Comment déterminer la bonne dose de produits laitiers à mettre à son menu ?
"S'il n'y a ni intolérance, ni souci de santé, pourquoi pas un yaourt ou un peu de lait dans ses céréales le matin ?", conseille Serge Rafal, spécialiste en médecine générale. "Dès qu'on suspecte une intolérance ou une hyperperméabilité intestinale sur une pathologie chronique, on peut stopper les produits laitiers sans risquer la fracture les jours suivants !"
Privilégier le bio
D'après une étude initiée par l’Union Européenne, le lait bio est plus riche en vitamine E, en béta carotène, en acide gras oméga-3 et il contient 60 % d’antioxydants en plus.
David Servan-Schreiber conseille de privilégier la consommation de beurre et de fromages équilibrés en oméga-3, c'est à dire bio ou issu de la filière lin (Bleu-blanc-cœur).**
Consommer avec modération
Une fois de plus, il semblerait qu'en matière de lait et produits laitiers, le mot d'ordre soit : diversité, modération et de préférence… du bio.
Sources :
*Passeport Santé : Lait
**Anticancer, David Servan-Schreiber, éditions Robert Laffont
La Nutrition : Pourquoi diminuer beurre, lait et produits laitiers gras
Alternative Santé : Les produits laitiers sont nos amis pour la vie… ah bon ?
En savoir +
L'intolérance au lactose
Présent naturellement dans le lait, le lactose est un sucre qui se digère grâce à une enzyme appelée lactase.
Cette enzyme, on la trouve à la naissance chez tous les mammifères mais, chez la plupart des mammifères terrestres, sa production s'arrête après le sevrage. Chez l'humain, elle décroît dans la petite enfance de manière variable selon les individus et, dans la plupart des cas, disparaît complètement. Seuls environ un quart d'entre nous continuent à la produire à l’âge adulte.
Sans lactase, on est intolérant au lactose. Résultat : troubles digestifs, nausées, maux de tête, troubles respiratoires, rhumatismes, problèmes de peau…
Le fromage est mieux toléré que le lait parce qu'au cours de la fermentation le lactose est en majorité transformé en acide lactique.